dimanche 28 février 2016

Contes en frissons peurs et tremblements
dont "La Main Verte"
Conte du Dauphiné


Il était une fois
Quand j’y songe 
mon coeur s’allonge, comme une éponge que l’on plonge dans un gouffre où l’on souffre tant de tourments que quand j’y songe
mon coeur s’allonge, comme une éponge que l’on plonge dans un gouffre où l’on souffre tant de tourments que quand j’y songe
mon coeur s’allonge, comme une éponge que l’on plonge dans un gouffre où l’on souffre tant de tourments que quand j’y songe
je préfère vous dire qu'il y a main et main
Ôtez vos lunettes enfants qui en avez
Fermez les yeux enfants qui n’avez de lunettes. 
L'HISTOIRE APPROCHE. 
L'HISTOIRE VIENT. 
L'HISTOIRE EST LA. 


Il y a main à donner ou à serrer, 
main à tendre ou à prêter, mains de maître ou mains jointes, mains sales, main de fer ou main de velours, main droite, main gauche et de la main à la main d'autres mains à deux mains. 
Mais aujourd'hui il y a la Main Verte. 
La main verte. Non pas celle qui donne de l'âme aux fleurs, mais celle qui donne des peurs à l'âme, 
l'âme des fillettes. 

Il était une fois où il n’était pas
Dans le Dauphiné il y a longtemps, dans une maison, une maman qui appelait sa petite fille 
"Tynane Tynane !" un vrai prénom du Dauphiné
et dans la maison, tout prêt, la fillette qui a répondu
"je suis là Maman j’arrive"
"Tynane, j’ai besoin de la bassine à laver, descend à la cave s’il te plaît et ramène-moi cette bassine, j’en ai besoin !"


« Tynane, m’entends-tu, m’as-tu bien comprise, j’ai besoin de la bassine. Tu vois bien que je nourris ton petit frère »

Oh ça pour nourrir son petit frère, c’est clair la manan de Tynane nourrit son petit frère. Tynane le regarde et elle pense qu’il a bien de la chance de ne pas aller dans la cave. Et que plutôt que d’y aller, elle préférerait être à la place de son petit frère.
« Tynane, tu me réponds, tu y vas, j’ai besoin de cette bassine, allez Tynane, vas-y Tynane, à quoi tu penses ! »

Tynane pense à la cave, au long escalier à claire-voie, rien que d’y penser elle a peur, et elle sent déjà son mollet attrapé par une main démoniaque ; elle pense au lieu obscur et poussiéreux, envahi par les araignées ; elle pense à l’odeur humide et celle-ci la prend déjà à la gorge : Tynane a beau avoir sept ans et être devenue la Grande soeur depuis l’arrivée du petit Ethane elle n’a pas trop envie de descendre à la cave mais… mais sa maman veut la bassine. 

« Tynane …. j’ai besoin… »
« oui maman j’y vais »
« Merci Tynane »

Tynane quitte la salle à manger.  Dans le couloir la rapidité de ses petits pas résonnent à l’oreille de sa mère qui imagine dans le couloir, le carrelage de losanges blancs et noirs. 
type tope tape tape type top tape tape type top tape tape
puis bientôt elle repère le ralentissement des pas type… top… tape… tape 
« Tynane, ne ralentis pas, descends à la cave ! » 
« Oui maman » 
La poignée grince dans la main de l’enfant, la porte grince sur ses gonds l’enfant elle-même grince des dents en allumant la faible ampoule. La mère imagine le bruit des petits pieds sur chaque marche, tac tac tac tac. Quand elle entend la chute souple et étouffée des petits pieds sur le sol meuble la mère imagine l’enfant regardant ici et là pour apercevoir la bassine. 
« ça va Tynane ? »
Non ça ne va pas ! 
"Tu vois la bassine ?"
L'enfant voudrait-elle répondre à sa mère, elle ne le peut pas. Oui, elle voit la bassine mais ce qu’elle voit dans la bassine la tétanise. Elle voudrait crier, mais aucun son ne sort de sa bouche. Elle voudrait faire demi-tour, mais au lieu de fuir, elle trébuche. Pire, elle tombe. La voilà allongée nez au sol. Elle s’appuie de ses deux mains et dans un effort surhumain, elle se relève en titubant Tynane se répète « Ferme les yeux, t'as rien vu,  il n’y a rien, garde les yeux fermés cependant ! » Mais c’est plus fort qu’elle, Tynane soulève ses paupières et pousse un cri.

Ahhhhhhhh ses yeux ne l’ont pas trompée, c’est bien une Main Verte qui se tient debout, dans une raideur suspecte. Tynane ne peut pas la quitter des yeux. Seule ses oreilles sont à l’écoute. La Main Verte parle. Elle dit 
"Attention fillette, ne raconte surtout pas à ta mère que tu m'as vue sinon ce soir je me régalerai d'une petite fille qui aura trop parlé !" 

Le monstre nargue l’enfant à trois pas de son nez. L’enfant n’a aucune envie de servir de repas à la Main Verte  Tenante répond en essayant de ne pas faire trembler sa voix :
"Je ne dirai, rai rien à ma ma mam-man c'est hoc promis !"


La Main Verte disparaît. 
Peu à peu l’enfant se calme. A-t-elle rêvé ?
La pâle lumière jaune de l’unique ampoule donne à la cave un air lugubre. Les toiles d’araignées qui pendent ici et là et la frôlent lui font penser à une couverture. L’idée d’étouffement s’empare de l’enfant. Elle n’a plus qu’un désir : ne pas s’attarder. Comment fait-elle pour saisir la bassine et faire demi-tour. Elle le fait. Comment fait-elle pour courir jusqu’à l’escalier et tacatactacac  pousser la porte en haut de l’escalier sans comprendre qu’elle l’a montée ? Ce qui est c’est que la porte se referme derrière elle après avoir heurté la bassine. Ouf l’enfant se retrouve dans le couloir et les losanges noirs et blancs résonnent de nouveau du bruit de ses petits pas. D’accord la bassine l’encombre mais ses pas sont très irréguliers. La maman de Tynane elle-même s’interroge. Qu’est-il arrivé à sa fille ?


Le coeur de l'enfant bat la chamade comme jamais il n’a battu la chamade. En entrant dans la salle elle tourne la tête vers sa maman et celle-ci découvre ses joues toutes humides de ses armes. Elle s’exclame 
" Mais tu pleures ma Tynane, pourquoi tu pleures. Tu as eu peur d’une araignée ? Une petite bête ne peut pas manger une grosse bête ma bébête ! Que t’a-t-on fait, qui as-tu vu ?» 
Dans la tête de la petite fille apparaît la Main Verte dressée au-dessus de la bassine à laver. Elle voit son index accusateur, elle l'entend lui dire 
"Attention Petite, ne dis pas que tu m'as vue sinon ce soir je te tue !" 

L'enfant ferme les yeux. 
Elle se souvient de sa promesse. 
Elle se taira. 
Mais sa maman insiste. Elle demande encore une fois 
"Pourquoi pleures-tu mon enfant, pourquoi donc, parle-moi ! C'est important, dis-moi, je dois savoir, que t'es-t-il arrivé ? » 

L'enfant répond en hoquetant 
"Si je vous le dis Ma Mère, la Main Verte me mangera !" 
Et dans sa gorge un nouveau hoquet trébuche. 

« La Main Verte ? qu’est-ce que c’est que c’est que ça fillette, une Main Verte  je n’ai jamais entendu dire qu’il y avait une Main Verte dans la cave, fillette. Si tu continues à inventer n’importe quoi plus tard tu deviendras conteuse petite ! Une Main Verte qui mange une petite fille, ça n'existe pas ! Cesse de pleurer s'il te plaît. Et n'oublie pas que ta Maman est là pour te défendre et pour te protéger.  Tant que je serai là Ma Tynane, personne ne te mangera !" 
Ce sont de belles paroles pourtant l'enfant se remet à pleurer et à hoqueter de plus belle. 

Elle est terrorisée. Les yeux fermés, ses larmes coulent et elle ne cesse de sentir la Main Verte autour d’elle.
"Alors Tynane, raconte, dis-moi, que s’est-il passé dans la cave, et ne crains rien, la Main Verte ça n’existe pas ? »

L'enfant raconte tout ce qu'elle a vu, de ses yeux vus 
« Pourtant je l’ai vu Maman, la Main Verte existe et elle est affreuse. Elle m'a sauté au nez du plus profond de la bassine à laver. J'ai eu très peur. J'ai sursauté. J'ai manqué tomber. Elle m'a parlé. Je l'ai écoutée. Elle m'a dit qu'elle me mangerait si je m'avisais de vous raconter !" 

L'enfant est terrorisée, elle se remet à trembler. 
« Elle va me manger maman, parce que je vous ai parlé maman ! » 
La Maman de Tynane calme sa fille, elle lui caresse les cheveux, elle la prend dans ses bras, Ethane est dans son berceau. 
« Viens dans mes bras, calme-toi Tynane. N'aie pas peur, nous allons manger et tu monteras te coucher. Tu n’as rien à craindre, je viendrais te voir pendant que tu dormiras, dans le milieu de la nuit" 
L'enfant embrasse sa maman qui la regarde avec tendresse. La voilà rassurée. 

Quelques heures plus tard, après les devoirs, après le repas, après la salle de bain, Tynane monte les marches de l’escalier deux par deux comme un géant. Au bout de l'escalier elle entre dans sa chambre. 
« Vite,  je me déshabille et je me couche ». 
La voilà endormie d'un bon sommeil d'enfant. Dans la nuit profonde, épaisse, et noire, une chouette hulule. 
C'est à cet instant que dans l'escalier de la cave une planche gémit. Puis une autre et une autre encore. L'enfant s’est réveillée. Elle a entendu et tend l’oreille. Elle retient son souffle. Seul le silence parle. Soudain une voix s’élève :
"Tu m'as désobéi fillette, je t’vais interdit de parler, tu as parlé, j’arrive, je suis en haut de l'escalier de la cave. J’arrive, je t’attrape et je te mangerai !" 
L’enfant écrase ses oreilles de ses deux mains. Mais cela ne l'empêche pas d'entendre la voix de nouveau. 
"Qui c’est c’est qui qui m'a désobéi fillette ? Me voilà dans la cuisine, j'aiguise les couteaux et je prépare ma tartine pour t'étaler dessus !" 
SHHHHHH L’enfant claque des dents, effrayée, les mains sur les oreilles, elle coule de la tête au pied sous le drap, lui-même sous l’édredon. Que va-t-il se passer ? Pourquoi Maman n’entend-elle rien ? Quand la porte s'ouvre et La Voix grave dit
"Fillette qui a trop parlé me voilà arrivée !" 
Sous le drap le coeur de l'enfant est prêt à exploser. 
"Me voilà près de toi fillette, je vais te manger !" 
Cette fois, le lit bouge, le drap se soulève et l'enfant s'évanouit. 
Dans la pâle lueur de la lune, le lit n'est plus qu'une plaque blanche vide ! 
Et dans l'escalier une enfant sidérée pend au bout d'une Main Verte ! 
Quelques heures plus tard cocorico le coq félicite l’aube. La maman se lève. Elle se précipite dans la chambre de Tynane et elle pousse un cri. Sur le drap blanc elle aperçoit une tache de sang. Alors elle hurle Puis soudain elle se rappelle tout ce que lui a dit l'enfant. Elle disait vrai. 
Cla cla cla cla cla ses pieds dévalent les escaliers en trombe ; glissent sur le plancher ciré à toute allure, dégringolent de nouveau vers la cave. La Main Verte est bien là. La Maman n'hésite pas. De ses deux mains voilà une Main Verte bel et bien tranchée. 
L'enfant, toujours vivante, et repliée sur elle-même quitte le coin où elle s'était cachée et se jette dans les bras de sa mère. 
Toutes les deux rient et pleurent de joie. 
Ouf, cette fois l'histoire est finie. Tout va pour le mieux sauf pour la main qui l'a écrite : elle est bleue de peur




chamade : Batterie de tambour ou sonnerie qui annonçait l’intention de capituler dans une ville assiégée.
Mais aussi, coeur dont le rythme s’accélère sous l’effet d’une violente émotion :
Au revoir
Et à bientôt

Le texte original de "La Main Verte" se trouve dans l’ouvrage intitulé 
« 365 contes de la Tête aux Pieds » sûrement chez Gallimard sous la direction de Muriel Bloch (à vérifier)

A bientôt. Signé Lania

samedi 20 février 2016

I - Conte du Rameau Rouge d'Irlande de Alain Déniel et Willi Glasauer dans Epopées, chez Casterman

S'il est une épopée que je ne me lasse pas de lire en même temps que des notes sur le Mabinoguion, c'est bien celle de l'ouvrage cité en titre.

Et notamment l'histoire célèbre du héros irlandais Setanta.


Il était une fois ou il n'était pas le petit Setanta.

Il est fils du dieu Lug et étrangement conçu, il est aussi le fils de la fille du druide Cava. Elle s'appelle Detchiré.

Setenta vit auprès de sa mère. Il grandit. Il parle. Déchirer échange avec lui. Elle lui parle de sa famille.

Quoi donc Maman, j'ai un oncle ?
Quoi donc Maman j'ai un cousin ?
Quoi donc Maman mon oncle est roi. Je veux rencontrer mon oncle roi et mon cousin, où dois-je aller  pour les rencontrer ?

Detchiré regarde cet enfant vif et audacieux. Il n'a que 7 ans. Mais face à elle, il se tient bien droit sur ses jambes, bien droit et décidé.
Elle lui répond qu'il ne peut pas les rencontrer, il est trop petit, le chemin est trop long, la montagne à franchir est beaucoup trop haute, et qui plus est son cousin Follovinn devra lui accorder sa protection et s'il ne le veut pas, lui Setanta, cousin ou pas, serait obligé de revenir : il sera parti pour rien..

Setanta ne veut rien savoir. Il demande à sa mère où se trouve le château de son oncle.
Quand elle lui répond qu'il est à Evinn Macha, il répond
"Je vais partir"
Detchiré répond que pour cela il faudra appeler un guerrier Ulates pour l'accompagner.

Setanta est un enfant qui a déjà montré que ce qu'il voulait il l'obtenait Ce qu'il a décidé il l'a décidé. "
"Tout cela prendra trop de temps ma mère, je pars aujourd'hui, tout seul !"

Et à la grande surprise de Dechtiré, qui ne veut rien en croire, Setenta prend l'escalier, entre dans sa chambre, attrape dans son coffre à jouets crosse de bronze, balle d'argent, épieu tout brûlé, et bouclier de bois qu'il enfile sur son dos puis il dévale l'escalier, bouclier sur son dos et si rapidement, que c'est à peine si Detchiré remarque un courant d'air. 

"Setanta revient" Sur le seuil de sa demeure Detchiré a beau hurlé, c'est trop tard. L'incroyable gamin  disparaît au bout du chemin.  

Comment a-t-il passé sa première nuit ? Au château de son oncle.
Bien vite Setanta s'ennuie sur le chemin, il le trouve long et il décide de le raccourcir.  

Oui mais comment ? 
L'idée ne tarde pas à venir à son esprit. 
Il va jouer à la balle. Il en a une en argent, il la lance, la frappe avec la crosse de bronze et se précipite derrière en ne la quittant pas des yeux. Dès que la balle rebondit sur le sol, hop là du bras droit avec sa crosse, il la frappe de nouveau. 
Une fois deux fois trois, bientôt ce jeu ennui Setanta. 
Il décide de jouer avec son épieu. 
Il le jette en l'air et se précipite pour le frapper avant même qu'il ne retombe sur le sol. ne fois deux fois pas le temps de s'ennuyer et à la troisième fois, Setanta attrape l'épieu et prend appuie sur le sol. Dans ce mouvement, Setanta s'élance dans les airs et franchit ainsi la montagne de Fuat. Pour un raccourci c'est un raccourci. De l'autre côté il se réjouit. Il a atteint Evinn Macha. Il découvre  le château de son oncle, le château du Rameau Rouge.  Et ce qu'il remarque en premier au bas du château c'est un groupe de trois fois cinquante enfants qui jouent à la balle au trou. Super Sétanta adore jouer à la balle au trou. C'est parfait. Il va jouer avec les enfants. Il entre sur le terrain. justement, la balle vient vers lui. Il se baisse, il l'attrape. Il la pose dans le trou. Aucun silence n'a jamais été aussi silencieux que le silence qui a suivi parmi les trois fois cinquante enfants. Les voilà tous plantés d'étonnement et bouche bée.  Tous se demandent "Qui c'est celui-là ? Qu'a-t-il fait ? D'où vient-il ?" 

C'est Follovinn, fils de roi et cousin de Setanta qui réagit le premier. 
"Vous êtes d'accord avec moi, les amis, ce garçon n'a pas le droit de jouer avec nous.
Nous ne l'avons pas placé sous notre protection"
Trois fois cinquante têtes se hochent et trois fois cinquante bouches déclarent "c'est vrai, punissons-le, prenons nos épieus !"

"Allons-y, punissons-le !" Ils y vont. Chacun attrape son épieu et, les pieds bien plantés dans le champ, trois fois cent cinquante épieux s'envolent droit sur Setanta.


Les enfants réagissent. Eux aussi possèdent tous un épieu au bout brûlé. Il va voir cet inconnu qu'ils ne sont pas les derniers à manipuler leurs épieux. Chacun lance le sien à la tête de Setanta. Mais Setanta met en avant son petit bouclier de bois  et tous les épieu vont se ficher dessus.
Il faut imaginer la stupeur des enfants. La surprise passée, ils attrapent tous leur balle d'argent et ils les jettent toutes à la tête de Setanta. Nouvelle stupéfaction. Sous leurs yeux Setanta récupère une, deux, trois, quinze, cinquante et 150 balles d'une seule main !
Rapidement ils réagissent, il va voir cet insolent inconnu. Les enfants attrapent leurs crosses de bronze et les lancent contre Setanta. Septennat saisit la sienne  et arrête chacun des crosses avec elle. Puis il les fait disparaître derrière son dos, en éventail façon queue de paon.
Pour les cent cinquante enfants la surprise est sans égale. Et ce n'est pas fini, car ce qui se passe sous leurs yeux est encore plus surprenant. Setanta se contorsionnent devant eux.
Regardez ses cheveux comme ils se hérissent, comme ils se dressent,  disent les uns... on croirait voir les flammes rousses d'un feu !
Et de fait Setanta se prête à une étrange métamorphose
C'est pas fini, dit un enfant, regardez ses yeux, l'un est minuscule comme le chas d'une aiguille et l'autre regardez comme il s'étale. On dirait l'entrée d'un cratère !!!
C'est pas fini crie un autre enfant, regardez sa bouche comme elle s'allonge, elle va toucher ses oreilles et elle est si grande ouverte qu'on voit son gosier ! Quelques enfants terrorisés tremblent de peur, d'autres détalent comme lièvre pour se mettre à l'abri et échapper à Setanta. Celui-ci attaque tous ceux qu'il peut.  Il leur tombe dessus et les culbute.

Dans le pré au bas de l'enceinte du château, deux soldats jouent aux dames. Les enfants les ont rejoint. Les deux joueurs sont deux rois Fergus et Conor.  Setenta les rejoint. Le roi Conor saisit son bras et l'interpelle en riant :
"Si j'en crois ce que mes yeux ont vu tu ne t'es pas bien conduit avec nos enfants, petit !"
Je ne suis pas petit, seigneur et j'ai fait ce que je devais faire : 
je viens gentiment chez eux pour jouer avec eux 
et ils m'attaquent  alors j'ai réagi !
Le roi Conor tente de retenir son envie de rire
"Quel est ton nom jeune homme ?"
"Je m'appelle Setanta et tu es mon oncle, je suis le fils de ta soeur Déchtiré !"
"Et fils de ma soeur, tu ne sais pas qu'aucun enfant ne peut jouer avec nos enfants s'ils ne l'ont pas pris sous leur protection"
Soit il ne se souvient pas de ce que sa mère lui a dit, soit l'enfant s'adapte aux circonstances
                                        "Non mon oncle je ne le savais pas, sinon  je me serais montré plus prudent"
Le roi Conor se tourne vers son fils Folovinn et les amis de Folovinn. 
"Enfants, acceptez-vous de prendre Setanta sous votre protection ?" 
Folovinn et ses amis acquiescent. Le roi Connor lâche le bras de Setanta. Mais à peine l'a-t-il lâché que Setanta s'élance de nouveau et culbute les enfants qui retournent au pré. 

Le roi Conor fronce les sourcils. Il montre son désaccord.  
"Pourquoi recommences-tu  petit ?"
"Je ne suis pas petit, mon oncle, c'est pour cela que je veux 
qu'ils se mettent sous ma protection comme ils m'ont mis sous la leur ! 
Tant qu'ils n'accepteront pas je ne les lâcherai pas  !"
Le roi Conor ne peut s'empêcher de sourire : le fils de sa soeur ne manque pas d'audace. 
"Folovinn, amis de Folovinn, acceptez-vous d'être pris sous la protection de Setanta ?" 

A la suite de quoi, cent cinquante enfants + 1, jouent ensemble, à la balle au trou, à Evinn Macha, dans le pré au pied de l'enceinte du château du Rameau  Rouge d'Irlande. (à suivre)





Contes de la Mort, un conte venu du légendaire cubain : Francisca ou l'heure de Tobi Ramos.

Il était une fois où il n’était pas une île.
Pourquoi pas l'île de Cuba. 
Dans cette île un jour, une voyageuse débarque.. 

Inconnue, sûrement pas. Mais si nous connaissions son nom je gage que ni vous ni moi n’aimerions la croiser. Et j’ajoute que si nous remarquions sa faux, si nous remarquions ses ciseaux, nous ferions demi-tour en courant à perdre haleine pour lui échapper.

Je vous rassure ce n’est pas vous qu’elle vient chercher c’est Francisca. D’ailleurs, où se trouve-t-elle Francisca ? se demande la Mort le nez en l’air, debout sur un trottoir de terre. 

Qui pourrait reconnaître la Mort telle qu’elle se montre ici ? Elle porte comme beaucoup, un magnifique chapeau de paille à large bord. Il cache son visage osseux. Elle arbore une lourde tresse noire et luisante qui retombe sur un grand poncho. Elle cache  l’une de ses mains cireuses dans la poche de sa lourde et large jupe à volants. Personne ne reconnaîtrait la Mort dans cet accoutrement. a moins de  remarquer le ferme appui de son autre main sur un bâton souligné d’une lame maladroitement montée à l’envers.  

Tobi Ramos passe par là. Il n’a rien remarqué de l’étrange positionnement de la lame. De toute façon Tobi Ramos est si attaché à déguster la vie à chaque instant présent qu’il ne sait pas penser à la Mort.  Tobi Ramos n’en pince que pour la Vie. La Vie interpelle Tobi Ramos à chaque minute, à chaque goutte de sang qui file dans son corps, à chaque battement  qui frappe son coeur. Tobi Ramos passe par là la tête plein de vie quad soudain l'inconnue l'interpelle. 

« Excusez-moi, Tobi Ramos je cherche Francisca, 
sauriez-vous me dire où est sa maison, ou bien l’endroit 
ou elle se trouve en ce moment, nous avons rendez-vous ?"

Tobi Ramos regarde l'inconnue qui l'interpelle. Il ne la connaît pas, il ne l’a jamais vue, il en est sûr et pourtant elle a dit son nom. Il répète 
« Francisca ? Où elle est ? 
Elle est peut-être par là bas, 
en direction des marais de Zapata !!!"
Et il se questionne :  "Comment connaît-elle mon nom cette inconnue ?" Mais il ne s’agit pas de lui il s’agit de Francisca. Il lève le bras droit et montre le chemin qui mène vers les marais de Zapata 

« Vous trouverez la maison de Francisca 
en prenant sur votre droite Madame 
mais arrêtez-vous avant les marais de Zapata 
vous pourriez faire plaisir à ces caïmans 
qui raffolent de chair humaine ! » 



« Ah ah ah »  pense la Mort « encore un qui ne me reconnaît pas ! Quel idiot celui qui veut me protéger de ma mort moi l’Immortelle ! Merci Tobi Ramos»

Tobi Ramos veut demander à la femme d’où elle connaît son nom. Trop tard, la femme disparaît déjà à l’horizon.

Elle marmonne la Mort, elle se demande quelle heure il est. Justement, le clocher de l’église du village indique « 7 heure du matin » la voilà rassurée, elle a tout son temps, son rendez-vous est prévu à 13 h 15 et c’est la seule âme de l’île à avoir rendez-vous avec elle, la routine quoi. Moindre mal.

Ce raisonnement lui convient.  La Mort esquisse un sourire satisfait. 

Bientôt elle entre dans un village appelé Constancia. Une enfant se tient debout sur le seuil de la dernière maison du village . La Mort la salue.
« olà nignita, como te llamas ? 
Bonjour Petite comment tu t’appelles » 

« Je m’appelle Panchita Madame ! »

« Bonito el nombre tuyo, joli prénom petite, 
dis-moi j’ai rendez-vous avec Francisca, où habite-telle ? »

Le visage de l’enfant s’éclaire d’un grand sourire. Elle répond d’une voix joyeuse :

« Vous avez de la chance Madame, 
cette maison est la maison de Francisca 
et je suis sa petite fille ! Francisca est ma grand mère» 

On n’aurait pas pu trouver enfant plus fière d’avoir Francisca pour grand-mère. 
La Mort ne se présente pas. Elle demande sur un ton mielleux 
« Est-ce que ta grand-mère est là mon enfant ? »

« Non Madame, elle est partie dès l’aube »
« Et quand reviendra-t-elle ? »

A cet instant ce n’est pas l’enfant qui répond. C’est sa maman qui apparaît à la fenêtre de la maison dont les murs blancs étincellent sous le soleil.

« Panchita, à qui parles-tu, tu sais bien 
que tu ne dois pas parler aux inconnues » 


Un chapeau à large bord se redresse et la mort salue la maman de Panchita et précise 
« J’ai rendez-vous avec votre mère, Madame, 
il fait très chaud, est-ce que je peux attendre 
le retour de Francisca ici ? »

« Avec plaisir Madame, installez-vous, 
il y a un banc sous l’Araguaneye, mais je dois vous dire 
que ma mère est très occupée et qu’elle pourrait bien 
ne pas revenir avant le crépuscule ! 
C’est étrange elle ne m’a pas parlé de votre rendez-vous, 
c’est à quel propos ?»

« Avant le crépuscule ? » la précision donne matière à réflexion à la Mort. Elle regarde sa vieille montre et réfléchit :

« La matinée passe vite, je dois reprendre le train à 17 h peut-être vaut-il vaut mieux que j’aille à la rencontre de Francisca plutôt que de l’attendre là» 

La Mort ne répond pas à la fille de Francisca, elle la questionne : 
« Où puis-je, rencontrer 
Francisca maintenant ? »

« Elle est partie avant l’aube. Elle devait 
travailler un champ, le préparer… 
je pense qu’elle doit être en train 
de l’ensemencer : je crois me souvenir 
qu’elle m’a parlé de graines de maïs… 
je pense que vous la trouverez 
passé la deuxième colline. 
Il vous faudra bien 
quelques heures de marche ! »

La dernière rencontre avec Francisca prévoyait qu’elle devait se faire aux alentours de 13 h 15. La Mort se rassure. Tout est encore possible. 

"Merci Panchita, merci Madame, votre Araguaneye 
est splendide, mais je préfère aller 
à la rencontre de votre mère moi-même" 

La réponse est un peu sèche. La Mort disparaît du paysage.

LA MORT CHERCHE FRANCISCA


La Mort marche marche. Le soleil chauffe, chauffe dur. La Mort faiblit. Son pas est de plus en plus lent. Aucune silhouette ne travaille dans aucun des champs. La colère s’empare de la Mort  : où est-elle passée cette Francisca !
« où est-elle passée cette vieille errante ! » 
La Mort crache au sol de déception. 


LA RENCONTRE AVEC LE PROMENEUR

La Mort est tenace, elle continue sa marche, et enfin sur le sentier elle croise quelqu’un qui monte vers elle
« Olà Segnor, j’ai rendez-vous avec 
Francisca, savez-vous où je peux la trouver ? » 

« Francisca ?» le promeneur est un homme. Le soleil dépose des taches d’or sur sa vieille peau toute parcheminée, à travers les trous de son large chapeau. l’homme ôte son chapeau et relève la tête.
« Bonjour Madame,….. Francisca ? 
Je ‘lai vue il y a … 
au moins une demi-heure, 
elle était dans la maison 
des Noriegas. 
Leur fils est souffrant, elle l’a soigné ! 
Pour trouver la maison des Noriegas c’est tout simple. Continuez tout droit, descendez, remontez… 
et vous vous arrêtez au flamboyant.»

La Mort n’a que faire du flamboyant. Sévère elle interrompt le gentil vieillard « ça va ça va vieil homme, je vous remercie, je vais la trouver merci, j’y vais »

et la Mort s’est remise à marcher à marcher. Elle presse le pas et elle marmonne 
« Sacrée fugitive, j’vais te rattraper 
je vais te rattraper Francisca, 
ton heure est arrivée ! »

LA MAISON DES NORIEGAS

Mais le chemin n’est pas facile, la Mort s’y tord les chevilles et comme il monte raide, la Mort s’essouffle. Quand elle arrive à la maison des Noriegas, elle en aurait pleuré de douleur.

Quand la porte s’est ouverte la Mort a salué 
« Bonjour, vous êtes Francisca, 
j’ai rendez-vous avec vous ! 
Comment cela ce n’est pas vous ? 
Vous n’êtes pas Francisca, 
et ce n’est pas votre maison, 
Mais où est-elle Francisca, 
appelez-là je vous en prie, 
elle a rendez-vous avec moi ! »

« Francisca avait un rendez-vous, elle ne m’en a rien dit, en tout cas elle est déjà repartie ! » La mère de l’enfant tien ses mains sur les épaules de l’enfant. Il ne semble souffrir d’aucune maladie.

Elle est déjà repartie, si vite ? Elle n’a pas mangé ?

Non, Francisca  est venue pour soigner notre fils.
C’est tout. Elle l’a guéri, elle est partie.
 Francisca est efficace et active, elle ne recule devant rien, mais dites-moi ça se voit que vous ne connaissez pas Francisca

Si si je la connais
Prouvez-le moi, parlez-moi d’elle ! 

D’accord, je vais vous dire comment elle est Francisca … 
elle est ridée et elle a déjà 70 ans !

La Noriegas insiste.
ça ne suffit pas, il y'a plein de gens sur l’îlee à avoir des rides et porter 70 ans : dites m’en davantage

Et bien, elle a les cheveux blancs…., 
presque plus une seule dent,…. 
et le nez pointu qui tombe en avant

D’accord tout ça est vrai 
mais vous ne dites rien à propos de ses yeux ?

Et bien je vais en dire, les yeux de Francisca sont vides, 
ils n’ont aucune lumière et ils sont éteints par les ans. 

Alors là je suis sûre que vous ne connaissez pas Francisca. 
Tout ce que vous avez dit est vrai. Sauf pour son regard. 
Son regard n’a rien d’éteint. Au contraire. Le regard de Francisca 
c’est la lumière même. Celle que vous cherchez n’est pas Francisca ! 

Comment ça je ne connais pas Francisca ?
Je connais Francisca. D’ailleurs
 je vais la chercher de ce pas.
Elle a rendez-vous avec moi

La Mort est indignée. Elle est vexée. Elle s’en va en marmonnant  « Bien sûr que si je la connais, je la connais je la connais, et elle marmonne. Et quand elle croise quelqu’un elle questionne Francisca fauche la pâture, la mort vient de l’apprendre.

FRANCISCA ET LA PÂTURE

et marche que je marche  la Mort s’en va vers la pâture.

« Cette fois tu ne m’échapperas pas Francisca, 
tu as rendez-vous avec moi, 
nous avons rendez-vous ensemble ! »

La Mort va va elle marche marche et presse son pas mais quand elle arrive à la pâture,  il n’y pas plus de Francisca que quiconque d’autre  : il n’y a que la pâture  dégagée de toute son herbe !
et la Mort marmonne
« Tu as rendez vous avec moi Francisca, 
j’vais te rattraper »

FRANCISCA ET LES POIVRONS

Et marche que je marche  quand elle croise quelqu’un La Mort questionne : Francisca récolte des poivrons, des rouges, des verts des jaunes auprès du Huerto del Sol. Elle frotte ses mains cireuses 

                                                                    « Tu as rendez-vous avec moi Francisca, 
j’vais te rattraper » 

Et la Mort va va elle marche marche et presse son pas. Elle sait que Francisca ramasse poivrons verts et poivrons rouges, et jaunes aussi mais quand la Mort arrive au potager, il n’y a pas plus de Francisca que quiconque d’autre et de poivrons. Ils ont tous  été coupés. Francisca n'est plus la. 

Et la Mort marmonne

« Tu as rendez vous avec moi Francisca, 
nous avons rendez-vous toi et moi Francisca »

Francisca travaille et ramasse tout ce qu’elle sait mais la Mort ne la voit jamais travailler, jamais ramasser. Et la Mort marmonne : 

« Tu as rendez vous avec moi Francisca, j’vais te rattraper, 
je vais te rattraper Francisca, ton heure est arrivée ! » 

La Mort va va elle marche marche et presse son pas. Elle  trébuche sur les cailloux des chemins, les pieds et les genoux blessés, la chemise noire noyée par la sueur. Elle marronne et consulte l’horaire. Son train est à 17 heures. Il est déjà 16 h 30
« 16 heure trente » C'en est trop. La Mort n’en peut plus cette fois. Elle passe aux insultes. Elle traite Francisca de 
« Démone, je n’ai plus le temps de te poursuivre Francisca ! 
Impossible ! Sacrée Francisca ! Tu m’as tuée ! A cause de toi 
je vais manquer mon train ! Tu ne veux pas me rencontrer, 
et bien ne me rencontre pas. Après tout, fais ce que tu veux, 
tu veux déguster tes rhumatismes, déguste tes rhumatismes"

La Mort décide de retourner sur ses pas. 
La Mort décide d’oublier Francisca.

Pendant ce temps, à deux kilomètres de là Francisca s’occupe de remettre en état un délicieux petit jardin. 


« Bonjour Francisca ça va ? » 
C'est Juan qui passe par là. Francisca répond de ses yeux clairs et de sa voix fragile 
« ça va, Juan merci beaucoup, belle journée »
L’homme s’éloigne. Il pense :  

Sacrée Francisca qui ne veut pas mourir ! 
En voilà une que la Mort n’aura pas !»

Au fait, il faut préciser  quelque chose : Tobi Ramos, s’est rendu dans le marais de Zapata. Un caïman somnolait tout près de l’endroit où il s’est arrêté pour observer dans les arbres le jeu d’oiseaux blancs comme neige et à longues pattes jaunes. L’odeur humaine a réveillé le caïman. Malgré ses cent ans il avait toutes ses dents. Vous imaginez ce qui s’est passé.
Derrière un proche buisson quelqu’un se tenait debout. Qui souriait. En se rappelant un conseil moqueur

« Arrêtez-vous avant d’arriver au marais de Zapata vous pourriez faire plaisir à ces caïmans qui raffolent de chair humaine ! » 

Celle-là qui se tenait debout c’était la voyageuse, celle qui travaille incognito, celle qui ne se présente jamais. La voyageuse que personne n’a le désir de rencontrer sur son chemin de vie. Poncho, lourde tresse noire, chapeau à large bord qui tient le visage de la voyageuse dans l'ombre. Une voyageuse qui ne vous est plus inconnue. Du moins du côté de l'île de Cuba.  La Mort, incognito.
Elle se tient là et elle n'a pas besoin de questionner. 
Elle n’est pas venue pour lui.
Mais il l'a croisée. 
C’était l’heure…. 
L'heure de Tobi Ramos. 




FIN