vendredi 1 juin 2007

Comment la terre prit sa place dans le monde

On dit qu'encore de nos jours, dans ce pays éloigné, le conteur commence à parler ainsi

Petit conte, petite conte
et que tous ceux qui l'attendaient répondent ensemble, joueurs, en choeur et en liesse

te voici, te voilà

On dit encore qu'à l'ombre de l'arbre immense, relevant ses manches, ajustant son chapeau de paille pointu, l'oeil allumé il ajouta un jour
Il était une fois
Le jour du tout premier jour du tout premier temps des jours,
Le chemin du tout premier chemin du tout premier temps des chemins...
Le poussin du tout premier poussin du tout premier temps des poussins...Et un oeuf...
l'oeuf du tout premier oeuf du tout premier temps des oeufs !. Et il poursuit


Ce jour-là, sur le chemin côte-à-côte Poussin et Oeuf se promenaient, comme çi comme ça, bras dessus bras dessous, mine de tout mine de rien. Ils devisaient gaiement quand soudain Poussin ne devisa plus. Il s'écria :

Wouaouh ! Oeuf ! Regardes-moi donc ce beau Citronnier. Montes-y et cueilles-moi un de ses beaux fruits !

Oeuf regarde le citronnier et il hausse les épaules. Ses bras retombent bien lourds bien mous le long de sa bilou*et sa voix répond "ça n'va pas Poussin ? Tu me vois, moi monter sur le citronnier ? Je ne me vois pas moi. Et c'est pas demain la veille qu'on me verra !

"Ah bon" répond Poussin interloqué. "Et bien puisque tu le dis ça doit être vrai et puisque tu ne veux pas monter sur le Citronnier je vais y mmonter moi."

Et Poussin fait ce qu'il dit. Il monte sur le citronnier.
Et pour les secouer il les secoue les branches car les citrons tombent comme des noix gaulés. Par terre, ils ressemblent à mille petits soleils verts.
Poussin et Oeuf se désaltèrent. C'est bon dit l'un, c'est frais dit l'autre.

C'est Oeuf qui vient de parler. Il poursuit. "Je vais monter sur le Citronnier à mon tour mais tu vas m'aider Poussin"

"Comment ça je vais t'aider ?" répond Poussin étonné.

"Oui, tu vas m'aider à prendre quelques précautions. Tu vois la poussière par terre, tu la ramènes en un tapis moelleux comme ça si je tombe, je ne me briserai pas."

"J'ai compris" dit Poussin gentil, "grimpe, je t'obéis."

Pendant que Oeuf grimpe autant qu'il peut grimper sur le citronnier, Poussin rassemble les poussières et étale sous les branches du citronnier un tapis moelleux. Mais il en profite pour glisser dessous un tout petit caillou bien pointu. Ce n'est, que caillou glissé, qu'il crie
"C'est bon Oeuf, tu peux secouer sans crainte,
y a jamais eu tapis plus moelleux !"

Alors Oeuf rassuré s'y met. Il secoue Citronnier comme jamais Citronnier n'a été secoué. Il le secoue si fort qu'il tombe à son tour. Mais sans aucune crainte. Merci le tapis de poussières. Mais fort dommage car il tombe pile poil sur le petit caillou pointu glissé par Poussin.
Poyi, voilà Oeuf tout brisu brisi !

Alors Poussin de rire et de rire
Mais une branche tombe à son tour
Voilà tranchée, la tête de Poussin
Poussin tête tranchée, c'est la branche qui s'y met : de rire et de rire la branche
Mais le feu vient
voilà la branche brûlée,
Branche brûlée, c'est le feu qui s'y met : de rire et de rire le feu
Mais l'eau vient
Voilà éteint le feu,
Mais le feu éteint, c'est l'eau qui s'y met : de rire, et de rire l'eau
mais Terre l'entend. Elle l'écoute et se décide. Elle aspire toute l'eau.
Eau toute aspirée Terre: de rire et de rire à son tour, à se gondoler.
Mais à cet instant l'Etre Premier entend le rire de Terre. Il n'est pas d'accord avec Elle. Il l'interpelle, la gronde, la rabroue : "N'as-tu pas honte Terre de te moquer ainsi de mes amis !" Il se fait colère, de rage, il bout ; d'un geste, il l'attrape. D'un autre il la tourne.
Une fois,
deux fois,
trois fois,
sept fois et à la septième il la lâche. Alors elle touOUouOUourNe, comme une balle, un ballon, une toupie. Comme elle tourne aujourd'hui autour du soleil, Terre prit ainsi sa place dans le monde.

C'est ainsi que Terre qui toupie balle ballon tourna prit ce jour-là sa place dans le pays du monde



Enfin, c'est ainsi qu'un jour sous le grand arbre ce conteur là l'a dit. Ila fini ainsi "j'ai laissé le petit conte là où je l'ai trouvé"
Les bouches toujours curieuses ont demandé gourmandes, joueuses et en choeur
" Où ça ?"
"Dans un poulailler sénégalais !"

Chacun a dit "Faut y aller !"
Il a dit "Ce n'est plus l'heure !"
Ils l'ont quitté.








bilou : petit mot désignant le ventre de ma fille quand elle était enfant
A partir (de mémoire) d'un texte chez Gallimard à destination des enfants de sixième