samedi 16 octobre 2010

Pluie, parapluie, pluie, étui, parapluies, étuis : histoire urbaine

On l’attendait. Elle apparut sans prévenir. Elle tomba à verse, à seaux. Les parapluies s’ouvrirent.. La terre s'abreuvait s’imbibait, se gouluait, s’enivrait. L’eau montait, les caniveaux débordaient, les mers s’étalaient, les océans s’éparpillaient, dans les Pôles la glace fondait....

J'arrête c'est trop teau, pardon trop tôt.

En clair il pleuvait et ça tombait mal –si j’ose écrire- : son bel ensemble sortait pour la première fois. Neuf de chez Neuf. Les parapluies s'ouvrirent. Sauf le sien. Et pour cause. Elle n'en possédait point. Impossible de tergiverser. Fallait le protéger. Il n'y eut que l'embarras du choix. Pas côté prix. Le sujet était réglé, elle les perdait toujours, ce serait un petit prix. Pas petit prix, côté motif. Chaque parapluie a le sien. Un tachetis, un mouchetis bref quelque chose qui passait inaperçi, pardon inaperçu.

Achat fait, cliquer ! D’un clic d'un seul ! Magnifique l’objet s’ouvre au doigt et à l’œil. Petit prix, beau visu. Et dès le premier instant l'a pas chômé le parapluie : elle a couru partout, suivi la manifestation, filé à tous ses rendez-vous. Quelle journée.
Le lendemain, pluie, comme durant toute la nuit. Nécessité oblige, clic clic, toujours d'un seul doigt. Joli mouvement. Joli parapluie. Il pleut à verse.
Le surlendemain pluie encore, pluie toujours. Nécessité oblige, cliquons, aïe ça coince, le doigt. Insistons. Poussons. Appuyons. Elle pousse, elle appuie, elle dérape. Main droite, le manche ! Main gauche le parapluie. Structuré, mais encombrant. Heureusement le vent ne s'y s'y met pas. Heureusement. Essayez de retenir un umbrella sans manche dans le vent, vous ! Sportif d’accord mais inefficace.

La journée passe. A chaque entretien, parapluie secoué, séché, plié dans étui. Vive les parquets cirés. Pour ne pas inonder vive l’étui. Salon, canapé, TV, repas –non pas plateau-repas, elle a horreur de manger sur ses genoux-
Bon bref, repas, télé, dodo, rêve : influence du jour, Niagara falls. Quand elle se réveille une nuit a suffit pour améliorer les performances de son dos crawlé. Elle est épuisée. Mais faut se lever. Bain, déjeuner, vêtements, escarpins tout le tintouin et…. la porte entrouverte y invite. Comme hier, comme avant-hier ce sera pa ra pluie.
A verse à seaux, toute la journée elle tombe la pluie. Elle, court, s’arrête, parapluie plié, étui déroulé, parapluie ouvert, plié, plétui, ouvert, plié, plétui, ouvert... l’étui tombe à son insu. Parapluie ouvert plié, où est l’étui ? Perdu ? Le chercher ? Misère tant pis peine perdue. Plus d'étui ! Ne pas se laisser abattre, système D le pochon de la vendeuse de pinceaux -elle adore la peinture à l’eau- fera l'affaire. Faut dire.... qu'elle convient au temps l'illustration est une aquarelle. Ce n'est pas pour déplaire au parapluie..... C'est le dernier rendez-vous. Il pleut. Mais pas sur les jardins alanguis, ni sur les roses de la nuit, et puis il ne pleut que des larmes de pluie, il pleut, c'est à pleurer parce qu'elle n'entend pas le clapotis, elle, le clapotis du bassin qui se remplit, elle ne peut pas dire Oh mon Dieu, que c'est joli, non non non la pluie, elle voudrait que ce soit fini. Si encore elle avait l'étui. Où est-il celui-ci ? Mais le soir chez elle dès l'entrée, l'étui, il manque à pluirer. Elle déteste son plancher mouillé. Heureusement il y a le bac à douche ou le lavabo, dans ces univers rétrécis parfois on ne sait pas !

Le lendemain toujours la pluie. Même combat, toujours sans étui.
Elle remonte l'artère principale, tête baissée, car le vent se lève Non pas réveille-toi*, ou enfin si, réveille-toi il faut que tu t'accroches le vent est si fort ! Et c'est à ce moment-là que les mains accrochées au manche et les yeux collés dans le miroir de l'asphalte elle l'aperçoit. Qui ? Son étui. Oui, c'est bien lui, même dans l'obscurité elle reconnaîtrait l'étui, le motif, le mouchetis, le tachetis assorti au parapluie, rien à dire, c'est le sien ! Ah le hasard, l'étui se repose devant l'entrée de la boutique où elle a acheté le parapluie. Trois jours qu'il était perdu ! Naïve va !!! Quoi, que dites-vous ? Attention. Méfiez-vous,elle pourrait vous lire.
En pensée elle remercie tous ceux qui voulaient s'arrêter pour le ramasser et qui ne l'ont pas fait. Un bonheur, c'est un bonheur. Elle a retrouvé son étui. La pluie fait des claquettes, non, faux, à vrai dire, c'est elle qui danse, de joie ! Mais en y regardant bien, il y a quelque chose de Nougaro dans ses pas. Pas de l'oie, oie du capitole ! L'étui est imperméable, comme son parapluie. L'étui brille. Elle n'en croit pas toujours pas ses yeux et pourtant si, c'est bien le même et le plus drôle -non c'est pas drôle- pendant qu'elle se penche sur l'étui pour le ramasser, l'eau des baleines -elles devraient arrêter de s'ébrouer celles-là-. lui coule dans le dos. Entre sa peau et le chemisier de soie bleue. Heureusement que c'est de la soie. C'est mieux. Elle ne craint pas la pluie la soie. Trève de tergiversation, elle plonge et attrape l'étui. Non, elle ne le range pas dans son sac. Vous vous rendez compte des dégâts que peut faire un parapluie... humide dans un sac de femme. N'imaginons pas ou imaginons c'est comme vous voulez.
Ding ding, il y a foule, ça pousse, pousse, elle file au fond c'est la consigne. Ouf la voilà assise. Quelle pluie, sa frange goutte. Elle essuie. Et sort le vieux roman retrouvé, celui qui fait que chaque fois que vous le lisez, les pages sont déjà mouillées. Le titre ? "La mousson" Difficile de faire plus et son parapluie est fermé. Comment ça pas du tout qu'en savez-vous vous qui lisez ? Mais bien sûr que pas du tout, vous n'avez pas rangé votre parapluie. Comment ça je n'ai pas rangé mon parapluie. Voyez comme elle vérifie. Entendez, elle s'insulte elle-même. Mais c'est vrai suis-je sotte. Et où est-il mon parapluie. Elle cherche partout. Jusque à remonter l'allée. Rien du tout. Le parapluie a fait sa malle. Elle reprend son livre. Etourdie, l'étui devient marque page. Au bout du voyage livre et étui sont dans son bagage.
Il pleut toujours à verse. Quelle journée. Le miroir lui renvoie une chevelure frisée crêpue. Friction-serviette, plateau-repas, quelques pages à lire avant le sommeil. Devinez ce qu'elle trouve dans son sac, cherchant "La Mousson" : deux étuis identiques, mêmes motifs, mouchetis, tachetis. Mais plus de parapluie.
Il pleut toute la nuit. S'endormir. Rêver. Au programme Vénézuéla toute et les chutes du Salto Angel. Le saut à n'en plus finir. Mais pas que le Salto Angel. Elle ne saute plus, elle nage, elle cabriole, elle dauphine, elle glisse par la cascade Biberon, s'échappe par la Ravine et plonge dans l'Océan Indien. Plage de sable fin, soleil paradisiaque....
Après le rêve, le réveil. A-t-elle vraiment nagé toute la nuit, la voilà en maillot de bain ?

Il pleut toujours le matin. Deux étuis pas de parapluie !
Quatre jours de pluie c'est trop. Elle ne se souvient de rien. Sauf que que qu'elle à cinq entretiens. Une vraie fusée entre dans la salle de bain, déjeune, s'habille se chausse, ah les escarpins, coup d'oeil furibard, elle aimerait un peu plus de quotidien. Après tout serait-elle vraiment différente si elle portait ses Ekin ?
Catastrophe, elle n'a plus de parapluie. Et ses cinq entretiens. C'est la cata c'est la cata imaginez l'allure qu'elle aura ! Oui, la pauvre, vous imaginez bien.
Boulot, bus. Voyageurs, voyageuses. Elle a le cheveu dégouline
Chance. Dans l'autobus y a sa voisine. Celle qui pare à tout. Oui vous avez bien sous-lu, elle a deux parapluies. Prêt. Emprunt. Et pendant qu'elles papotent l'une tend l'oreille. Sur la banquette voisine une voix s'exprime qui dit à sa vraie voisine "Vous n'auriez pas perdu un parapluie, je l'ai trouvé hier soir dans l'allée du bus il est identique au mien !"
Alors elle s'est penchée pour demander
"Il ne vous manquerait pas son étui par hasard !"
Chacune a retrouvé qui son étui, qui son parapluie. Elles ont bien ri. Les voilà amies.
*Djane est une viel’femme qui dort sans souci
ses rames au repos et son parapluie aussi
Le vent se lève réveille-toi ….. (je cherche la suite. Merci)
Photo de l'ami Bernard Patin

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Corinne B le Rx
"j'aime beaucoup la vie de ton parapluie tacheté.......!!!"