mardi 24 avril 2007

Laissez-moi vous raconter peut-être l’une des dernières légendes actuelles.
Elle appartient à cette île, que grâce à Louis Capart entre autres, nous savons battue par tous les vents, qui appartient à cette Bretagne qui m'accueille et qui appartient elle-même à cette France qui désire rester accueillante à tout étranger désireux s’y installer.

Or doncques dans la première moitié du siècle dernier un étranger d’un pays où je suis d’ailleurs née, souleva un grand nombre d’hommes. Il les prépara militairement : uniformes verdâtres, casques arrondis, bottes de cuir, pantalons bouffants, exercices au pas et au contre-pas sans cesser désireux de gagner les terres d'autrui. Les nôtres.
Un jour on dit que leurs semelles résonnèrent sur quelques grèves de cette magnifique île de Sein.

Qui le premier les entendit ?
A franchement parler là n’est pas la question. Ce qui est important c’est la parole qu’il propagea? celui-là. A la vitesse du vent il l’éparpilla, si bien que les hommes, tous les hommes la plupart des hommes, sauf les plus plus vieux vraiment vieux, sauf les plus plus malades vraiment malades, se précipitèrent dans leur maison, rassemblèrent leurs quelques peu d’affaires, échangèrent quelques baisers avec leurs femmes, filles, sœurs, tantes, petits frères, désireux ces derniers de les suivre à leur tour mais dans l’impossibilité de le faire. Puis ils s’en séparèrent. De tous côtés ils prirent la direction du port pour s’engouffrer sur tous les bateaux qui se tenaient à quai. Et ils mirent les voiles et bientôt les femmes filles et sœurs cessèrent d’agiter bras, mains ou mouchoirs car il ne resta plus un seul point au ras de l’horizon : les falaises de la Blanche Albion allaient s’offrir à eux et à moins que je n’aie besoin de vous l’apprendre, parler de la Blanche Albion c’est parler de…. l’Angleterre

Il ne resta donc plus sur l’île que les femmes, les enfants, les plus plus vieux, les plus plus jeunes, les malades, enfin tous ceux dont on pensait qu’on n’en pouvait rien faire. Et dans ce groupe là les femmes !

Mais sait-on qui seulement sont les femmes ? On les croit faibles. Elles sont, parfois fragiles mais bien plus immensément fortes qu’on ne le croit.

Quand les bateaux disparurent à l’horizon, elles rentrèrent chez elles. Attristées. On n’aurait pu l’être à moins. Qu’allaient faire les envahisseurs ? Certaines s’interrogèrent. Et tant, qu’au milieu de la nuit toutes les femmes étaient rassemblées avec les filles, les sœurs, les tantes les frères et les vieillards en bord de grève. Tous emmitouflés des vêtements les plus chauds. Tous serrés les uns aux côtés des autres tous en train de faire semblant de ramer puisqu’il n’y avait plus une seule barque au port.

Ramez, disait l’une, ramez encore disait l’autre
Ramons plus fort !

C’est alors que le miracle se produisit. Un frémissement parcourut les entrailles de l’Île rocheuse. Tous toutes se regardèrent.

L’une cria RAMEZ les amis, ramez encore

Toutes, tous firent si bien qu’on aurait pu entendre les rames clapoter dans l’eau à chacune de leur plongée. Bientôt l’une cria « Accrochez-vous » et qui, s’aggripa à son voisin, sa voisine, son enfant, son vieillard, sa vieille et ceux qui étaient sur les côtés aux rochers, aux oyats et elles et ils s’accrochèrent tous si bien, tinrent si forts –je devrais dire les femmes de l’île tinrent si bon- que le rocher s’ébranla et s’arracha à la mer. Il se souleva tant bientôt au-dessus de la mer qu’il volait dans les airs, nef volante devenue.


« C’est une histoire vraie ? » demanda un enfant un jour au conteur qui racontait. Il ne répondit pas "t'en penses quoi toi ?" mais tout simplement "Il y a toujours du vrai dans une légende. Celle-ci appartient à l'Île de Sein. Cette Île est vraie !"

2 commentaires:

Franck Hamel a dit…

Merci Lania pour cette histoire. C'est une véritable bouffée d'air frais qui contraste avec la chaleur moite ambiante qui nous a envahie ici au Vietnam depuis quelques semaines.

A bientôt de te lire.

Contes&Lania a dit…
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