vendredi 9 mai 2014

"Le juge qui voulait faire un break" aurait pu se rendre à Vezin le Coquet demain 10 mai pour la convention de jonglerie

Kartoffen,

ce mot vient à ma bouche sans raison apparente. Il traîne dans ma tête. Il traîne, sans but. C'est un mot banal, un mot allemand, souvent entendu, un mot tout rond d'or, le mot kartoffen,

Je le chante, je le loue, je le vois, j'attrape un livre et je l'ouvre. Il traînait là, à sa façon, sans raison apparente.  C’est une NH, traduisez Nuit Halloween. NH ressemblerait-elle à NPL soit Nuit Pleine Lune ? Les Nuits de Pleine Lune mes livres semblent animés d'une vie personnelle. Ils quittent mes étagères, comme pour se rendre au marché. Belle affluence que je m'en voudrais de gérer.
Livre ouvert je laisse couler les feuilles entre mes mains comme tout magicien  laisse filer les cartes dans les siennes. Le livre s’arrête sur l'une d'entre elles. Ni il poursuit, ni il recule.

Magique.
Je lis. 
Et je découvre une histoire qui viendrait d'Allemagne. Nombreux disent qu'ils reviennent chez eux après trente ou quarante ans de belle carrière. Chez eux. Peut-être moi, chez moi ? Chacun ses légendes.
Dans l'histoire, un juge, la main gauche appuyée sur son bureau, se redresse et porte subitement et brutalementt, la main droite à son front. Comme sous l'évidence soudaine  de la vanité de son travail. Il jette un regard circulaire et les piles de dossiers lui sautent aux yeux. Et devant le nombre d’heures passées sur le dernier dossier posé sous son coude gauche, il pousse un gros soupir et cale.  
Il se lève, enfile son manteau, pose son chapeau et quitte son bureau. Sa décision est prise : il prendra quelques jours de repos avant la dernière audience. Mais où ? Et qu'en fera-t-il ? 
Notre juge ne sait plus que le repos se suffit  à lui-même.

Le juge ne prend pas le taxi comme d'habitude. Il prendra sa voiture ;
Le juge ne prend pas sa voiture. Il se souvient avoir oublié la veille où il l’avait laissée. .
Le juge prendra le bus. Mais il revient au juge, qui s'appelle Hans Schiller, qu’il déteste emprunter ce moyen de locomotion, alors il part à pied. La marche porte conseil. La preuve, en marchant, Frantz Schiller choisit sa destination. Il ira chez son cousin Hans. A Gessen. Comme il y a peu de choses à y faire, il y sera à l'abri de toute activité débordante. C'est son unique nécessité. Son cousin est agriculteur. Il parle peu, de sujets fort terre à terre, c'est une bonne chose, répondre ne sera pas nécessaire.
Le lendemain même, le juge prend le train et descend à Gessen. Son cousin vient à lui au volant de son tracteur "je travaillais non loin de là" se justifie-t-il. Mais pourquoi se justifier. Le juge veut seulement se changer les idées. Faire un break, respirer. Se dé con trac ter.
Son cousin l'accueille avec sympathie. "Tu es chez toi ici, fais comme chez toi". La maison est belle, l'intérieur confortable. Les produits sont bio. C'est la fête quoi. Tartines de charcuteries, plateau fromages, linzertarte aux myrtilles dont il adore le croquant des croisillons ; le repas du soir est un régal. La nuit qui suit, fait rarissime, file son train sans aucune insomnie. Alors qu’il se réveille désormais à la ville, toutes les trois heures. Quand le chant du coq le réveille, -tiens celui-là il l’avait oublié- il lui désobéit. Il paresse sous l'édredon, version été à l'aube de l'automne. Puis il passe la journée tranquille. Il se promène. Le chemin, les buissons, le parfum dees bosquets, les oiseaux, le ruisseau ses libellules irisées : tout fourmille, chante, siffle, frétille, "couleure". Encore un régal qui le surprend. Il n'a pris ni papier ni crayon ni clavier. Surtout ne rien faire. Deux jours, trois jours il s’y plie.  Mais au quatrième, ne rien faire soudain l'indispose. Il s'irrite, il s'énerve. Tant et si bien qu’il déjeune avec son cousin et lui propose de lui apporter son aide. Son cousin s’étonne  :
"Mais Fantz, tu es venu ici pour te reposer, repose-toi."
"J'insiste cousin Hans, il faut que je me mette à travailler"
"Je veux bien mais ici je n’ai guère de dossier à te proposer en consultation » et il le regarde quelques secondes silencieusement, puis il lui demande « que sais-tu faire Frantz ?"
La question le déstabilise. « Comment ça qu’est-ce que je sais faire ? » il en balbutie « je sais... je sais... et finalement il répond par un
"Rien, je ne sais pas ce que je sais faire !" profondément dépité, désemparé, effrayé"
"Je sais moi »  lui répond Hans, « j’ai une petite idée, suis-moi, et sois sans inquiétude, c'est facile"
Frantz traverse la cour, puisque son cousin Hans traverse la cour.
Comme Cousin Hans disparaît dans une énorme grange Frantz pénètre à son tour dans l’énorme grange. Et ce qu’il voit l’étonne : sur le sol de la grange sont étalées, au bas mot ou de visu, à peine moins et plus sûrement, d'un quintal de pommes de terre.
" Ce soir Frantz, je dois rentrer d'autres pommes de terre, il  me faut faire de la place, ta décision est bienvenue, elle me sera d’un grand secours, je dirai même qu'elle tombe bien, tu vas ranger ces pommes de terre. C’est très facile, tu les ranges en trois catégories, d’un côté les grosses, de l’autre, les moyennes, et enfin les petites, tu ne peux pas te tromper, c’est à la portée d’un enfant du Kinder. Quant à moi, je pars travailler aux Grands-Champs de l'autre côté de Gessen. Le temps est à la pluie, les tubercules n'aiment pas ça. Allez cousin, à ce soir et courage" 
Ceci dit, quelques instants plus tard, le moteur qui ronronne annonce à Friedrich le départ de Hans.

Toute la journée, du côté des Grands-Champs, les pommes de terre passent de la terre à la plate forme. Bientôt il est l’heure de rentrer chez soi. Hans prend le chemin de retour. Dès qu’il arrive à la ferme Hans tourne la clef, saute de son tracteur et il appelle Frantz son cousin juge :
« Frantz, où es-tu, Frantz où es-tu ?"
Devant le silence de Frantz qu’il ne voit pas dans la cour, Hans entre dans la maison
« Frantz, je suis de retour,  où es-tu, Frantz où es-tu, comment vas-tu  ?"

Frantz n'est pas dans la cour, il n'est pas dans le salon, il n'est pas dans sa chambre,  Le cousin Hans pense qu'il a dû terminer son travail, qu'il est parti se promener et qu'il ne tardera pas à rentrer. En même temps il doit rentrer ses pommes de terre nouvellement recueillies. Il avance la plate forme et entre dans la grange pour voir le travail accompli. Il stoppe net, bouche bée. Il a beau faire obscur, il comprend très vite qu'aucune pomme de terre n'a bougé. Si le quintal est là, vierge ou iintouché d'une seule pomme de terre, son cousin n'y est pas. Où est-il passé. Par acquis de conscience, Hans balaie les lieux d'un regard à la recherche de Frantz. Il est inquiet. Que s'est-il passé ? Soudain il repère une masse informe écroulée au pied du mur. Il se précipite.
" Frantz que t’es-t-il arrivé, qu’as-tu dis-moi, que s'est-il passé, ou plutôt que ne s'est-il pas passé et pourquoi ?
"Frantz est appuyé mollement contre le mur, il a tout de l'homme hébété, le menton mou et décroché. Il est effondré, catastrophé, perplexe. Mieux, il semble sidéré. Il tient son poing droit fermé à plat sur sa jambe droite.
" Frantz qu'as-tu, es-tu malade, es-tu blessé pourquoi ton poing est-il fermé ?"
Frantz relève la main et le visage en sueur et la parole balbutiante, il l’ouvre sous les yeux de son cousin Friedrich ahuri par la question qu’il s’entend poser,  " Frie Friedrich, ce cé cette pomme de ter re, elle est… grosse, moyenne ou petite ?" !


Photos prises en 2008 par mon amie Martine, lors d'une séance contée du spectacle intitulé
 #Coquine Patate à la frite et vous l'entendez bien à #Visseiche (35)
Cette histoire, je ne l'ai pas inventée, je l'ai librement adaptée d'après celle que vous pouvez trouver dans l'ouvrage intitulé #Le cercle des menteurs  et écrite de Gessen en Allemagne où je ne suis plus

 http://bigoudnjongle.wordpress.com/ Je serai demain sur ce lieu et en compagnie d'autres amoureux de la parole, je conterai. Oreilles connues et inconnues, au plaisir de vous y croiser. 


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