mardi 12 mai 2009

Faire un atelier parce qu'on est conteur... pourquoi pas et pourquoi donc !


J'ai toujours trouvé cette relation de cause à effet un peu étrange. Parce qu'elle n'est pas évidente. Des informations sur le conte j'en possède. Passeuse je le suis. A cause de Gabriel. Le saint avec moi, n'a pas joué sa fonction, il n'a pas appuyé assez fort sur mes lèvres, il n'a même pas tracé le sillon sur mon menton. Il m'a oubliée. Il n'était pas là. Mes parents ont pourtant fait leur possible. Mais sans succès. Mais grâce à Gabriel j'ai accepté la proposition d'animer un atelier dans un lycée. J'avais quelques retenues. Quelques pertes de confiance. Certaines choses dites que j'avais prises à mon compte, par erreur. Les retenues se sont envolées.
Quelques séances plus tard, sur cinq élèves trois ont décidé de ne pas parler. Je ne suis pas pour les obligations "forcées" S'ils me lisent ces trois-là, qu'ils me disent s'ils ne se sont pas sentis frustrés de ne pas l'avoir fait. Car ils en étaient capables. Prendre la parole c'est être courageux ; devant un public, faire un exploit ; en matière de conte, gagner une bataille. En effet, c'est quoi le conte : paroles, paroles, vent, broutilles, balivernes, fariboles, propos vains, niaiseries, bêtises, sottises dont on dit souvent qu'ils ou elles sont pour les enfants. Et j'en passe. Et pourtant, selon la façon dont la parole est dite, le choix que l'on fait pour les dire, la parole fascine. Choisir détermine. Le choix devient jeu. Deux parmi les cinq ont osé jouer. D'après ce que l'on m'a rapporté -et me voilà frustrée de ne pas les avoir vus(e)- sourire aux lèvres, je les félicite.
Me revient en mémoire, ce déjà grand garçon pour son âge, en passe d'entrer en sixième. S'il se distingue, c'est plutôt par son comportement perturbateur, par sa propre mise en retrait. On me le dit mais je l'ai déjà remarqué. Comme saute aux oreilles son trop plein de paroles. Qui pourrait devenir goût, plaisir et plaisant pour tous. Il posède la matière. Nous "travaillons" tous en groupe. Il s'en extrait souvent. Le frustrer, le punir ? Je ne pense pas que ce soit mon rôle. Le fait est que le petit groupe parle choisit écrit. Je dis : on dirait qu'il n'écoute pas. Je me méfie de ceux qui se démarquent. Et pas seulement parce qu'il va me mettre à mal : mais parce qu'il faut qu'il y ait restitution. Devant public. On choisit des histoires. Il a déjà fait son choix. Finalement pas si éloigné que ça de lui ! Mais le sien. Tant qu'à faire. Je ne veux pas penser qu'il y a quelque chose d'intime dans cette histoire. Je le pense. Il dira "Mimoun, le bûcheron" " Je lui offre de le soutenir. Il répond qu'il fera tout seul. On passe un pacte moral. "OK mais tu assumes, tu aura un public, tu ne dois pas le décevoir" Pourquoi ne voir que ses instabilités ?
Il y a restitution. Et chacun, chacune, se montre étonnant. Lui, il nous laisse frappés de stupeur. Il mène la randonnée, à sa façon, avec une parfaite maîtrise rythmique, du slam avant l'heure -c'était il y a longtemps déjà. Avec humour et justesse. Il interpelle le public. Celui-ci reçoit le message. Il joue le jeu. C'est fou. Je reçois moi-même une leçon. Vidéo pas vidéo ? On s'en fout : restent le mot, les mots, l'énergie, la respiration, l'ancrage et le passage d'un passeur.
Aux deux nouveaux conteurs, aux deux audacieux, aux deux courageux, à Elodie et Axel, mais aussi à Sonia, Jérémie et Nicolas, à l'audace et pour avoir chacun osé à sa façon : chapeau à eux et à la parole. Et qu'ils n'oublient pas les disgracieux mouvements des lèvres et du visage : ils massent, décontractent, font rire et dérident. Le conte.... pour en offrir des paroles et une ambiance, pas si enfantine que ça. Et quand bien même.

Aucun commentaire: