lundi 10 mars 2014

Samedi 15 mars, soirée Contes à la Maison du Ronceray

http://rennes.onvasortir.com/soiree-contes-maison-du-ronceray-1121551.html

Bonjour à tous et à toutes, grandes ou petites oreilles bienvenues dès 6/7 ans.
Il était une fois il n'était pas 
par l'atelier Les oiseaux de Passage de l'Association rennaise Les Tisseurs de Contes
Bienvenue au pays des métamorphoses. Les contes en seront truffés-teintés. Bref, choisissez une soirée pleine de surprises, entrecoupée d'un moment convivial, cidre, jus de fruits et petits gâteaux, parfois faits maison.
Horaire : 20 h 30
Petit tarif : 5 € (2.50 étudiants, carte sortir,... adhérents)
Pour venir : tapis volant ou Métro : Terminus Poterie - Baguette magique ou Ligne Star 2 : descendre arrêt Carrefour City

Et pour le plaisir immédiat, cette "petite" histoire pas si dure.

Il était une fois 
un conte birman.
Il était une fois Than. 

THan est un jeune homme. Il vit avec sa famille au bord d'un delta. Avec son père, sa mère, ses frères, sa soeur mais pas son grand-père. Son grand-père vit dans la montagne, dans le village où lui-même est né. Cela fait quinze années qu'ils ne se sont pas vus.  Il veut revoir et retrouver son grand-père. Un matin il quitte le delta.
Il remonte le long du fleuve Irradawy. Il prend la direction de Mandalay. C'est le nom du village.   En ce temps-là il n'y a pas de voiture. Than va pieds nus. Sous ses pieds la route est poussiéreuse, cahoteuse, douloureuse. Than marche, marche encore, fait son chemin.
Dans un airain du matin il surprend le son de la plus grosse cloche du monde
il traverse le lac sur le plus long pont de bambou du monde 
il s'éblouit à force d'admirer les plus nombreux toits d'or du monde.
Un soir il parvient au bas des hauts murs d'une citadelle. La porte est fermée. Qu'à cela, ne tienne Il dormira à la belle étoile en contrebas de la route mais pas avant de s'être occupé de sa minuscule fortune. 
Dans la descente les cailloux s'éboulent sous ses pieds et dans la chute l'un d'eux s'arrête auprès d'une pierre parfaitement plate. Mais large et lourde. Il la soulève en s'appuyant sur ses pieds jambes écartées et une fois déplacée, il creuse la terre de ses longs doigts minces. Pour finir il dépose sa fortune, recouvre le tout de la pierre et prend soin d'effacer toute trace de mouvement.  

Quelques minutes plus tard, il s'allonge à même le sol, sur le dos et contemple les splendeurs étoilés. Une deux trois, sept et plus, il s'amuse à compter les étoiles sans se douter que quelqu'un a observé tous ses faits et gestes. Celui-ci se régale de sa naïveté, il pense 
 "Pauvre garçon, quel imbécile tu fais, et quelle aubaine pour moi. 
Le temps que tu t'endormes petit, tu m'auras transformé en un homme aisé !"
Il n'est pas long à attendre celui-ci. Le jeune homme se met à respirer tranquillement,  ses mains s'ouvrent  paumes  vers le ciel, ses paupières se ferment. La fatigue l'emporte dans un sommeil profond. 
Alors un turban orange rayé de vert, une chemise blanche et  le fameux pantalon birman appelé longyi, se détachent dans la nuit et s'approchent doucement. Le corps bascule en avant et une main tâtonne silencieusement. Elle soulève la pierre avec précaution si bien qu'aucun son ne tintinnabule.  L'homme agit avec prudence. Than ne perçoit aucun mouvement. L'affaire faite turban, chemise, longiy disparaissent dans la nuit à pas de loup. L'homme se retient de rire, il ne cesse de se féliciter "oh le p'auv' gars, le pauv'gars !" 

Than dormit comme loir, comme pierre, comme plomb. Lorsqu'il se réveilla un ruisseau chantonnait non loin de là : il tendit l'oreille et prit sa direction. Toilette faite il n'eut plus qu'une seule idée, retrouver son trésor confié à la pierre. . . La pierre toujours large et lourde l'obligea à s'arc-bouter sur ses pieds bien ancrés pour la soulever. Puis il  la retint d'une main et de l'autre tâtonna Mais il avait beau tâtonner ici et là ses doigts ne trouvaient rien. Il n'en crut même pas ses yeux. Sa fortune avait bel et bien disparu. Où était-elle ? On la lui avait prise ! Qui avait osé ? Le chagrin s'empara de lui en pensant à son grand-père. Qui avait osé. Than se met à pleurer, fort, très fort, puis il appelle "au secours, au secours" et il crie si bien si fort qu'a-delà des remparts ceux qui s'éveillent l'entendent et les autres s'en réveillent.
Les ânes aussi l'entendent , ils braient soudain comme jamais on ne les a entendus braire. 
On s'inquiète pour celui qui pleure. Est-il malade, est-il blessé. On court à son secours. On l'interroge. Il prend la parole. Mais elle est confuse.  Voyage, village, Mandalay, Pont de Bambou, grand-père, plate, pierre, argent, les mots s'entrechoquent, ceux qui l'écoutent répétent pierre, argent, plate. Than hurle et sanglote. 
Soudain la foule qui fait bloc autour de Than se fend en deux et laisse passer celui qui vient. C'est Sanda, le chef de la cité. 

Il interroge à son tour 
"Qu'est-ce qui se passe ici, pourquoi cries-tu jeune homme, raconte, dis-moi, dis-nous.... !" 
Sanda accable le jeune Than de questions. Than raconte : son grand-père, son voyage, sa marche, son désir de dormir, celui de mettre son argent à l'abri, la pierre plate, et son réveil, un vrai cauchemar en plein jour, son argent dérobé. Par qui ? Qui a osé dérober l'argent destiné à son grand-père! Qui ? Les sanglots se remettent à échapper de son corps.

Le chef du village porte un turban bleu rayé d'ocre. Il fronce les sourcils : le turban bascule en arrière. Il fronce les yeux, le nez, les lèvres : le turban bascule en avant. Sanda réfléchit. Il se tourne vers Than
"Où est-elle ta pierre ?"
Than montre du doigt la pierre au sol."C'est celle-là !"
Sanda hurle comme un fou 
"C'est celle-là ? C'est la responsable, il faut l'arrêter !" 
Et il s'adresse à la foule. Il crie : 
"Qu'on arrête la pierre !" 
Mais personne ne bouge. Alors il ordonne  
"Arrêtez cette pierre c'est un ordre !" Et sur cet ordre il jette, à l'adresse de tous, un long regard noir et circulaire d'un bout à l'autre de la foule présente. 

Heuh... D'abord,, personne ne bouge, ensuite, quelques hommes se déplacent et s'approchent. Ils soulèvent la pierre à plusieurs et ils prennent la direction de la ville, surtout celle de la place centrale. Celle où se déroulent tous les procès. Derrière les porteurs de pierre, viennent Than, Sanda, et tous ceux qui étaient venus voir celui qui se lamentait. Tous ceux qui étaient prêts à aider l'étranger.

Sitôt arrivé sur la place le chef s'installe.

Il fait un geste. Son clerc se précipite, registre en main sur lequel il notera les propos qui seront tenus. Des assesseurs se glissent dans la foule qui s'agglutine. Bientôt c'est le silence.
Le chef du village fait entendre sa voix : 
"Qu'on m'amène la voleuse, 
qu'on m'amène la pierre" On la lui amène. On la pose sur un comptoir. Chacun peut l'apercevoir. Et ils sont nombreux parmi la foule à se demander s'ils ont le droit de rire. La plupart des témoins tentent à sa façon de cacher son irrésistible envie de rire : l'un de sa tête penchée, l'autre d'une main devant la bouche, d'autres en repositionnant leurs turbans. 
Le chef du village prend la parole, tourné vers la pierre. C'est elle qu'il interroge

"Ainsi donc Pierre c'est toi qui as  volé l'argent du jeune homme ?"
La pierre ne répond pas. 
Quelques ânes trouvent la situation amusante. Ils se mettent à braire. Dans la foule on fait silence .

" Clerc" dit le chef du village "note donc : la pierre ne veut pas répondre ! Elle reste silencieuse !"
 Puis il poursuit l'interrogatoire
"Nous t'avons trouvée au milieu de la route : qu'y faisais-tu pierre?"
La pierre ne dit mot. Dans la foule on fait encore silence.

"Note donc encore Clerc" dit le chef du village "la pierre ne veut toujours pas répondre ! Elle reste silencieuse !"
Mais Sanda  insiste
"Pierre sache-le, tu dois répondre à mes questions !
Quel est ton nom ? Quel âge as-tu ? Allez répond !"

Dans la foule, certains ont bien du mal à contenir leurs rires, d'autres leurs gloussements, quelques autres menacent d'éclater de rire à tout instant. Certains font même semblant d'éternuer ou de se moucher. Les ânes s'y mettent à leur tour. Ils se taisent.

Le chef du village prend conscience des efforts faits par la foule pour ne pas rire. Il la harangue
 "Vous riez ? Rappelez-vous qu'il est interdit de rire pendant un jugement. C'est la cour qui exerce ses droits ! Si vous riez, vous transgressez les règles du tribunal" Et sa voix n'autorise aucune souplesse. D'ailleurs il ajoute "Riez, riez donc, mais ne venez pas pleurer car oui, vous serez punis !"

Puis il retourne à la pierre
"Quant à toi pierre, qui te crois maligne de rester silencieuse réponds aux questions que je te pose, "allez réponds pierre !"
Pour toute réponse la pierre ne dit mot 
Tu veux que je t'aide ? Je t'aide
"Qu'as-tu fait de l'argent pierre ?"
La pierre ne répond pas, on dirait même qu'elle en profite pour se taire davantage.  

Il s'énerve.
Elle se tait.
Elle le met hors de lui. Il hurle
"Pierre ce n'est pas de moi que tu te moques, tu te moques de la loi, puisque c'est ainsi je te condamne premier à recevoir 30 coups de fouets, second à être dé ca pi tée." 
et d'ordonner à son clerc
"Note clerc : trente coups de fouets suivie d'une décapitation.  On peut imaginer la tête du Clerc qui ne désire guère perdre la sienne"

Et tout cela sous le regard de la foule. 
Elle n'en peut plus de toute cette cocasserie. C'en est trop pour elle. La voilà secouée d'un éclat de rire qui se répand, ricanant, devient vague de rire qui enfle, s'étale, éclate en un fou rire monstrueux. Les dos tressautent, les mains se secouent ou ferment les bouches, les ânes s'y mettent à l'unisson, mais rien n'y fait, la situation est à mourir de rire.

Un seul être n'est pas candidat à cette mort délicieuse. Le chef du village. 
100 qui hurlent de rire et un seul qui se tait. Le Chef du village. La situation est critique. Il y a danger d'être puni. Chacun s'efforce à revenir au calme même les enfants. C'est de nouveau le silence. Sanda en profite et d'une voix sévère il s'adresse à son clerc


"Note Clerc, "la foule a ri quand le chef a décliné la sentence lors du procés de la pierre voleuse"
"Note Clerc "chacun a ridiculisé son chef par la dérision.
"Note Clerc "chacun est condamné à verser une amende d'une pièce de dix piastres" et sur ces mots le chef s'est levé. Mais Il n'en avait pas fini. Il s'adresse à la pierre sans toutefois quitter la foule des yeux.
"Quant à toi pierre,  te crois-tu maligne de rester silencieuse ? Tu dois répondre aux questions que je te pose ! Allez, réponds pierre !"
Elle se tait toujours.
Il décide de l'aider
"Qu'as-tu fait quand le jeune homme s'est endormi ?
Elle ne répond pas. Le ton monte. 
"Allez pierre, réponds. On le sait, tu as pris son argent, on ne le retrouve pas, qu'as-tu fait de son argent ?
Réponds !" 
Elle se tait. Il s'énerve. 
Elle se tait encore. Elle le met hors de lui. Il craque
"Pierre ce n'est pas de moi que tu te moques, c'est de la Loi, c'est pire. Je te condamne à recevoir trente coups de fouets
et ce n'est pas tout, après les trente coups de fouets tu seras décapitée !"
Et il s'adresse à son clerc "Note bien Clerc, pour la foule, une pièce de 10 piastres chacun et pour pierre, trente coups de fouets et la décapitation"

Les hommes et les femmes se sont exécutés et clin clang clung les pièces sont tombés dans un récipient  tendu par le chef.

Quand toutes les pièces furent tombées le chef du village s'est tourné vers le jeune Than qui était inquiet : n'avait-il pas ri lui aussi ?

"Jeune homme, tu as subi un préjudice de la part de notre ville, tu mérites un dédommagement, le voici, ces pièces sont tiennes" Le jeune homme prend toutes les pièces jusqu'à la dernière;

Le chef du village se tourne vers les villageois et déclare 
"Vous tous qui regardez et écoutez ici, apprenez le plus important :  
"Faute de rendre une vraie justice 
on peut toujours essayer 
de consoler la victime !"

Than s'est courbé devant le chef pour le saluer. Puis il a repris la route qui le menait chez son grand-père. Le pied léger.

Voulez-vous des nouvelles de la pierre ?
Elle a reçu trente coups de fouet. On a voulu la décapiter. Mais est-il possible de décapiter une pierre ?
Quand les hommes se rendirent compte de cette impossibilité, ils posèrent la pierre à même le sol au bord du chemin, en dehors du village avec un message sculpté à la destination des voleurs. Ils pouvaient y lire : 
"Voleurs, cette pierre est une voleuse. 
Trente coups de fouets lui ont été donnés !
Elle a échappé de peu à la décapitation. Réfléchissez-y !"


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