mardi 11 mars 2014

CHANTER ET DANSER REND JOYEUX

Elle. 
Sensibilité à fleur de peau. "Note sensible". Ainsi sa prof de musique l'avait-Elle surnommée. 
Parfois un mot suffit encore pour la choquer, un mot ou un commentaire. Par exemple, récemment, celui-ci.  
"La drogue était destinée aux quartiers HLM de la banlieue parisienne".  Et vlan l'estampille !
Et alors. 
Elle aussi habitait un appartement HLM. Dans un quartier qui était justement à deux doigts de friser le non-droit disait-on. Dans un quartier décrié. Si décrié que les enfants n'avaient pas même le droit d'être dédouanés des erreurs, incompétences, faiblesses et impuissances de leurs parents. 
Ils étaient d'emblée en situation de précarités : psychologiques, sociales, financières... Alors elle avait proposé aux enfants de CE1-CE2, dont elle s'occupait sur le temps de midi, de chanter. Chanter rend joyeux. 
Entre autres chants, elle leur a proposé une vieille chanson du sud-ouest, intitulée "Dans les Bois il y a des voleurs". Parce que, justement, elle rêvait que les voleurs n'existent plus.. 
Avec intelligence, ils-elles ou elles-ils,  lui avaient renvoyé  que les paroles "étaient stupides". Elle en convint. A préciser qu'ils ne se trompaient pas, que les paroles étaient bien vieillottes. "Et si nous gardions la musique et changions les paroles ?" 
"Chouette alors, d'accord, changeons les paroles !" C'est alors que le sens et la destination des paroles se sont posés. De quoi parler ? 
"De nous !" ont répondu filles-garçons, garçons-filles. Pourquoi pas ? A partir de leur désir de parler d'eux-mêmes, la décision a été prise de parler de ce milieu dans lequel, ils-elles-elles-ils, passaient tout de même, la plupart de leur temps. 
Une nouvelle chanson naquit. Que les enfants, filles- garçons, garçons-filles, se prirent à chanter de plus en plus souvent, et parfois à haute voix en se rendant à la cantine. 
Certains élèves de niveaux différents -surtout les p'tits caïds de CM2. Bien sûr qu'il y en a mais ils la faisaient plutôt sourire et elle s'acharnait à ne jamais les dénigrer. N'étaient-ils pas en construction ? -  commencèrent à fredonner, d'abord pour se moquer des pitchoux, ensuite pensa-t-elle, de plus en plus souvent, par plaisir. Chanter rend joyeux et qui plus est exerce la mémoire. Sans le savoir ils étaient en apprentissage. Ils finirent par avoir en tête refrain et couplets. Bientôt elle comprit la frustration qu'ils ressentaient à l'idée de n'être pas avec les autres enfants.  
Puis il y eut à venir,  une date qui intéressa tout le monde : celle de la fête organisée par les animateurs de la ville,  dont elle faisait partie. Courant juin. Le petit groupe,  garçons-filles ou filles-garçons, devina comme un challenge possible. Tout en chantant, le groupe proposa de se déplacer sur le rythme de la chanson. De créer une chorégraphie. Quelle raison aurait-elle eu de refuser ? Danser rend joyeux. Elle laissa faire. N'intervenant que dans la nécessité d'un petit coup de pouce lorsque survenait un blocage. 
Le groupe décida de présenter un tout chorégraphique et chanteur. 
Le jour vint. 
Emotion : il y avait une scène dans la cour de l'école. 
Emotion: Il y avait un public : des parents, des amis, le personnel, la directrice de l'école. Il y avait aussi "les grands" qui avaient appris la chanson quasi à leur insu. Justement, ces derniers sont venus lui demander s'ils pouvaient chanter derrière les danseurs danseuses, ou les danseuses danseurs, comme s'ils étaient une chorale. Quelle raison aurait-elle eu de les en empêcher. Sinon le refus du groupe. Questionné, le groupe accepta la participation spontanée de leurs camarades.  
La directrice était présente. Pourtant l'événement n'était pas diffusé dans le cadre Education Nationale. Les enfants , installés,  se sont mis à chanter. Dans un grand brouhaha. Puis soudain, que se passa-t-il, le brouhaha cessa. Tous les visages étaient tournés vers les enfants, même côté buvette. Jusqu'à la fin de ce qui était devenu "quasi une prestation". 
Ce fut un tonnerre d'applaudissements. Même pour les Grands. Les enfants étaient radieux. Parents de même. compris. La directrice paraissait surprise. Elle félicita tous les enfants. Puis elle l'a félicitée aussi. Elle, elle a remercié . Elle, elle a  précisé qu'elle n'avait fait que répondre au désir des enfants. Mais Elle lui a donné sa carte.  
Malgré ce résultat et ces félicitations chaleureuses, c'est à un autre groupe de conteurs que la directrice a confié un projet contes, dans sa classe.  
C'est bien connu : l'union fait la force. 
Elle, elle se méfie toujours des félicitations. 

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