Elle était grand-mère. Mais ce n'était pas la mienne.
Elle était arrière grand-mère.
De mon fils, mais pas que.
Le père de celui-ci, qui l'aimait beaucoup, mais en lui montrant à peine, me disait
"Fais attention à elle, je te la prête"
Je n'ai pas connu ma grand-mère.
Mon fils a eu de la chance de connaître les siennes. S'en souvient-il ? Il était à la maternelle, quand elle partit. Grande section mais Maternelle tout de même. Au temps où les fleurs, dont elle portait le nom, se répandaient joyeusement vivantes dans les talus et les champs.
De moi, elle disait souvent et je l'entends encore, et je vois son sourire "Oh toi alors !" comme si mes comportements et mes paroles étaient étonnants.
Elle disait aussi, confrontée à ces derniers, quand je les exprimais "Patate va !. Et c'était un mot tendre.
Un surnom prédestiné, puisque, actuellement je reprends cet argument conté que j'avais intitulé
"Coquine la Pomme de terre a la Frite et vous l'entendez bien". C'était en 2008. L'année internationale de la sublime Pomme de Terre.
J'aimerais bien remplacer Pomme de Terre par Patate.
Elle aimait m'écouter raconter. "D'un rien tu fais tout" disait-elle. Je ne me rendais pas compte. J'avais plutôt entendu dire "Tais-toi tu nous saoûles" Certains aiment être saoûlés, d'autres n'aiment pas. Je rencontre plutôt les premiers. Ils font le tri après. Ils se rappellent, se souviennent, comprennent, connectent, apprennent, découvrent, me disent. Je m'étonne "Moi, j'ai dit ça ?"
Ce sont là secrets de paroles, magies de langage.
Marguerite n'aimait pas le ménage. Mais elle le faisait.
Marguerite aimait la vie. Les saisons, les graines, les plants, les poules, le jardin.
Aujourd'hui Marguerite serait femme active. J'imagine très bien maîtresse d'école ou infirmière ou géographe. Ou KasKadeuse. Petite, ronde, précise, humble.
Un jour, -histoire dans le portrait- au bout du grand escalier, au bout de la terrasse, au bout de la véranda nous l'avons trouvée dans le salon. Un salon campagnard. Juchée sur une échelle, à 80 ans passés, chiffon en main, l'autre accrochée à l'échelle. Dans cette position inconfortable, et au Mirror, elle astiquait le lustre cuivré comme s'il était en or.
"Ho-là grand-mère, tu veux mourir ?" a dit son petit-fils
Sourire aux lèvres et nous toisant d'un regard affectueux, elle a répondu
"Il faudra bien que ça arrive un jour les enfants"
Bien sûr que j'ai terminé à sa place.
Marguerite avait un fils, deux fils, une fille. Un fils fragile. Son mystère, son avenir, l'inquiétude quotidienne. Et son interrogation. Qu'elle me confiait. "Et quand je ne serais plus là ?" Réponse ? Sans réponse, en ce temps-là.
Alors Marguerite s'ingéniait à sourire. Devant tous. Peut-être qu'après le départ de tous, Marguerite pleurait-elle ?
Je n'ai jamais vu Marguerite pleurer.
Je l'ai vu présenter son petit-fils avec une tonne de fierté, sur le marché aux foies gras, en albigeois "Et oui c'est lui, il est ingénieur, et c'est sa femme qui l'accompagne" Double tonne de fierté. Son petit-fils était gêné. Il se serait bien passé d'être ainsi exhibé.
Moi, je n'avais pas de grand-mère. Tout au moins ne pouvais-je en connaître aucune. Je me plaisais à ces présentations. C'est peut-être de ce fait que je la trouvais merveilleuse.
Auprès d'elle j'ai appris à choisir et faire le foie gras.
Auprès d'elle j'ai appris à faire le pâté de lièvre.
Le pâté de Lièvre, avec une majuscule s'il vous plaît. Quasi une légende celui-là. Que dis-j une légende, un mythe. Que dis-je un mythe, une Tartarinerie. (de Tartarin bien sûr) Y vais-je ? Non. Pas de saoûlerie aujourd'hui. Mais, quand voudrez, commentez. Je lis les commentaires. Ne taisez rien surtout.
Au fait c'est arrivé, un jour.
Nous la quittions. Nous venions de passer quelques jours de Noël auprès d'elle. Au moment de partir elle nous a dit
"Quand est-ce que vous reviendrez"
Nous avons répondu "Cet été"
"Alors, disons nous adieu, je ne vous reverrai plus"
Elle savait. Nous pensions qu'elle était éternelle. Elle était femme de paix. Elle me manque. Vite je l'imagine.
Je suis sur la terrasse.
Elle est en contrebas dans le jardin.
"Je t'en coupe des pivoines !"
Elle aimait bien ma mère. Vite, je me l'offre.
Toutes deux aimaient les fleurs.
Toutes deux sont parties en mai beau et chaud.
A bientôt, belle journée. Ce ciel blanc d'aujourd'hui le dirait-on de juin ?
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