mardi 19 août 2008
Conte du Dauphiné "à faire peur" : La main verte
LA MAIN VERTE
Texte original remanié par Lania
Il y a main et main. Il y a main à donner ou à serrer, main à tendre ou à prêter, mains de maître ou mains jointes, mains sales à laver, main de fer, ou main de velours, main droite ou main gauche et de la main à la main d'autres mains et demains.
Mais aujourd'hui il y a main verte. La main verte. Non pas celle qui donne de l'âme aux fleurs, mais celle qui donne des peurs à l'âme, l'âme des petites filles.
QUITTEZ VOS LUNETTES ENFANTS QUI EN AVEZ. FERMEZ VOS YEUX ENFANTS QUI N'EN AVEZ. L'HISTOIRE S'APPROCHE. L'HISTOIRE VIENT. L'HISTOIRE EST LA. Il était une fois une maman demanda à sa fille d'aller chercher sa bassine à laver. Elle lui expliqua qu'elle donnait le sein à son petit frère et qu'elle ne pouvait le faire elle-même. Elle lui indiqua où elle l'avait rangée et lui dit "Allez petite et ramenez-la moi !" L'enfant aussitôt accepta et sur l'instant elle s'en alla. Sa maman écouta le claquement de ses pas diminuer en direction de la cave, jusqu'à ce qu'ils ne fassent plus tacatac comme ils faisaient sur chacune des marches à claire voie qui descendaient à la cave. Alors la maman imagina les petits pieds. Elle les voyaient se poser sur le sol de terre molle et irrégulière qui étouffait les bruits. Elle imagina l'enfant en train de chercher la bassine en métal. Mais elle ne put imaginer ce que découvrit l'enfant quand elle la découvrit. Pas plus qu'elle ne put entendre le cri qu'elle poussa en sursautant devant une main verte qui se tenait debout tout raide devant elle en la regardant fixement. La petite fille fut dans l'incapacité de bouger. Elle voulait fuir mais elle ne pouvait ni décoller un pied du sol ni bouger un seul doigt de ses mains. Seules ses oreilles pouvaient écouter. Elles écoutèrent la Main Verte. Elle disait :"Attention fillette, ne raconte surtout pas à ta mère que tu m'as vue sinon ce soir je me régalerai d'une petite fille qui aura trop parlé !"
La petite fille comprit tout. Elle n'avait aucune envie de servir de repas au monstre qui la narguait à trois pas de son nez. Elle lui répondit en s'empêchant maladroitement de trembler : "Je je je ne pense pas que hoc hoc je le dirai à hoc hoc ma mama ma maman, c'est hoc promis !"
Sitôt cette promesse la Main Verte disparut. L'enfant retrouva peu à peu sa respiration.
Dans la cave il y avait très peu de lumière mais beaucoup de toiles d'araignées. Il ne ferait pas bon s'attarder, pensa-t-elle. Elle se pencha pour attraper la bassine à laver et fit un rapide demi-tour.
Déjà les petits souliers ne font plus taca tac tacatac sur les marches à claire voie de l'escalier qui surgit de la cave. Ils glissent sur le parquet ciré du couloir. Mais le coeur de l'enfant bat si fort la chamade que la maman l'entend dès qu'elle apparaît. Elle tourne la tête et s'exclame " Petite, vous pleurez ? Pourquoi donc, dites moi tout, je veux savoir : que vous a-t-on fait ?"
Aussitôt dans la tête de la petite fille apparaît la Main Verte dressée au-dessus de la bassine à laver. Elle voit l'index accusateur, elle l'entend dire "Attention Petite, ne dis pas que tu m'as vue sinon ce soir je te tue !" L'enfant ferme les yeux. Elle se souvient de sa promesse. Elle se taira. Mais sa maman insiste. Elle demande encore une fois "Pourquoi pleurez-vous mon enfant, pourquoi donc, parlez-moi ! C'est important Je dois savoir !" L'enfant en hoquetant répond "Si je vous le dis Ma Mère, la Main Verte me mangera !" Et dans sa gorge un nouveau hoquet trébuche. "C'est une histoire idiote fillette que vous me racontez-là, une Main Verte qui parle ! Si vous continuez ainsi avec cette parole, assurément vous serez conteuse plus tard ! Une main verte qui aurait envie de manger, ça n'existe pas ! Cessez de pleurez s'il vous plaît. Et n'oubliez pas que de toutes les façons je suis là pour vous garder, pour vous protéger ! Mademoiselle, tant que je serai là personne ne vous mangera !" Ce sont de belles paroles mais l'enfant se remet à pleurer et à hoqueter de plus belle. Elle est terrorisée. Elle voit la main verte, yeux fermés. "Alors fillette, racontez-moi tout !". L'enfant raconte tout ce qu'elle a vu de ses yeux vus "Maman il y a dans votre cave une affreuse Main Verte. Elle m'a sauté au nez du plus profond de la bassine à laver. J'ai eu très peur. J'ai sursauté. J'ai manqué tomber. Elle m'a parlée. Je l'ai écoutée. Elle m'a dit qu'elle me mangerait si je m'avisais de vous raconter !" Et l'enfant se remet à trembler. "Venez dans mes bras, calmez-vous, n'ayez pas peur" dit la mère tout en lui caressant les cheveux. " Montez vous coucher et soyez sans crainte j'irai vous voir dans le milieu de la nuit ! Allez bonne et douce nuit petite !" L'enfant embrasse sa maman qui la regarde avec tendresse. La voilà rassurée. Quelques tac tac tac rapides elle monte les marches deux par deux comme un jeu et au bout de l'escalier elle entre dans sa chambre. Vite je me déshabille et je me couche. La voilà endormie d'un bon sommeil d'enfant. Bientôt la nuit se fait profonde, épaisse, noire et une chouette hulule. C'est à cet instant précisément que dans l'escalier de la cave une planche gémit. Puis une autre et une autre encore. L'enfant est réveillée. Elle a entendu. Mais elle n'entend plus. Elle retient son souffle. Elle écoute le silence. C'est alors qu'une voix dit "Tu m'as désobéi fillette, tu as parlé, me voilà non loin de toi, en haut de l'escalier de la cave. Je viens te prendre et je te mangerai !" L'enfant bouche ses deux oreilles de ses deux mains et elle appuie bien fort sur elles. Mais cela ne l'empêche pas d'entendre de nouveau des pas. "Ni la voix : "Qui m'a désobéi fillette ? Je suis dans la cuisine, j'aiguise les couteaux et je prépare ma tartine pour t'étaler dessus !" Cette fois l'enfant se glace et se coule en entier sous le drap de lit qui est secoué de tremblements. La porte s'ouvre et la voix dit "Fillette qui a trop parlé me voilà arrivée !" Sous le drap le coeur de l'enfant bat de nouveau la chamade. Le lit bouge : son coeur va éclater. "Me voilà près de toi fillette, je vais te manger !" Le drap se soulève et l'enfant s'évanouit. Dans la pâle lueur de la lune, le lit n'est plus qu'une plaque blanche vide ! Dans l'escalier une enfant sidérée pend au bout d'une Main Verte ! Quand le coq chante le jour se lève et la maman aussi. Elle se précipite dans la chambre de son enfant et pousse un cri. Sur le drap blanc une tache de sang. Alors elle hurle puis soudain lui revient en mémoire tout ce que lui a dit l'enfant. Elle disait vrai. Cla cla cla cla cla ses pieds dévalent les escaliers en trombe ; glissent sur le plancher ciré à toute allure, dégringolent de nouveau vers la cave. La Main Verte est bien là. La Maman n'hésite pas. De ses deux mains voilà une Main Verte bel et bien tranchée. L'enfant, toujours vivante, quitte le coin où elle s'était cachée et se jette dans les bras de sa mère. Toutes les deux rient et pleurent de joie. Ouf, cette fois l'histoire est finie. Tout va pour le mieux sauf pour la main qui l'a écrite : elle est bleue de peur.
• chamade : Batterie de tambour ou sonnerie qui annonçait l’intention de capituler dans une ville assiégée
• mais aussi, cœur dont le rythme s’accélère sous l’effet d’une violente émotion :
Au revoir
Et à bientôt
Le texte original de "La Main Verte" se trouve dans l’ouvrage intitulé
« 365 contes de la Tête aux Pieds » sûrement chez Gallimard sous la direction de Muriel Bloch (à vérifier)
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1 commentaire:
Bonjour et merci Mélanie d'avoir lu le conte de "La Main Verte" conte du Dauphiné. La photo est effrayante. Elle est surtout celle du Comte de Bercilak prise dans l'excellent ouvrage "Le chevalier à la Main Verte" : les illustrations y sont c'est vrai remarquables. Mais je reste d'accord avec vous elle est effrayante. Et je le répète. Je suis pour l'imaginaire des mots, ceux que l'oreille entend et traduit en image au fond de chaque soi-même. Je pense aux enfants bien sûr. Si j'osais je me mettrais dans le coin du hall, à leur hauteur pour photographier leurs visages quand ils découvrent la statue. Mais j'imagine. On peut donc découvrir la main verte "en vraie plus que vraie" dans le hall des Champs Libres à Rennes : elle "ouvre la porte" à une exposition sur la légende du roi Arthur. Je recommande aux adultes la lecture des textes, surtout aux lecteurs de Cesson Sévigné car c'est dans cette bibliothèque que je les ai découverts, étagères adultes of course. Mélanie, merci de m'avoir lue et belle journée à vous et à tous. Lania
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