C'était au temps où le temps avait le temps
C'était au temps où une île était une île
C'était au temps où les enfants ne ressemblait pas forcément à leurs parents.
En ce temps là, très loin d'ici, loin de nos terres bretonnes, il y avait un volcan.
Sur les flancs du volcan, une forêt. Non loin de la forêt un palmier et au pied du palmier une hutte. A trois pas de là les vagues dansaient leur ronde sur le rivage et les rochers.
Un jour, dans la hutte, quelqu'un a poussé un cri. C'était le cri d'un enfant nuveau-né. Un bébé. Sa maman s'est penché sur lui. Elle a poussé un cri aussi. Son enfant n'était pas tout à fait un enfant. Il était un bébé requin d'humains. Elle a pleuré tout son chagrin. Son mari s'est penché à son tour sur le nouveau-né. Lui aussi a reculé. Puis il a dit "Cet enfant est différent il faut nous séparer de lui !"
- "Cet enfant est différent de nous" a dit la Mère "mais il est notre enfant. Nous devons le garder !" a dit la Mère.
- "Tu as raison" a dit le Père "alors je dois aller lui chercher de l'eau salée. Les requins vivent dans l'eau salée"
Le Père a pris un grand panier de feuilles de bananiers tressées serrées très serrées et il a quitté la hutte. Comme ses pas chuchotaient sur le sable en s'éloignant il est venu sur les lèvres de la mère un air doux et inconnu. Comme une berçeuse. Elle a pris l'enfant dans ses bras et elle l'a bercé tout en chantonnant la la la la la la la la la la la la bébé requin !
Quand le Père est revenu....
la mère a glissé l'enfant nouveau-né dans le panier empli d'eau salée à ras-bord et le bébé requin a souri, ravi que ses ailerons et sa queue de requin puisent faire trempette. Père et Mère émus d'avoir un aussi beau bébé même étrange se sont mis à sourire à leur tour.
Soudain la mère s'est inquiétée "Je ne vais pas avoir assez de lait pour nourrir mon enfant !" "Ton enfant est aussi un bébé requin. Attends moi, je reviendrai et tu lui donneras à manger autrement" le Père s'est levé. IL s'éloigne, il entre dans la forêt. La Mère fredonne l'air que vous connaissez :
"la la lala la la la la lalalala la bébé requin, bébé d'amouuuuuuur !"
Quand le père sort de la forêt, il tient entre ses mains une belle brassée d'herbe d'Awa. Il coupe, hache, malaxe et mêle le tout au lait de la mère qui nourrit l'enfant de cette boisson. Quand il a tout bu il glisse avec plaisir ailerons et queue de requins dans le panier de feuilles de bananiers tressées, serrées, très serrées.
Le Père et la Mère sourient heureux de voir les progrès de leur étrange enfant. Et si nous l'appelions Cheveux d'Or comme la Reine des Mers ?" demande la Mère.
Ainsi fut appelé le bébé requin d'humains.
Cheveux d'Or joue dans son panier. Il mange de l'herbe d'awa. Il grandit. Il grandit beaucoup grâce à l'herbe d'awa. Cheveux d'Or grandit tant qu'il dépasse bientôt son père et sa mère. Tête bêche allongés sur le sable ils sont plus petits que le panier de feuilles de bananier serrées tressées très serrées. Et dans l'eau salée du panier Cheveux d'Or ne peut presque plus remuer. C'est à peine s'il peut respirer. "Il est temps que cet enfant nous quitte" dit le Père de Cheveux d'Or.
La mère pousse un cri. Elle ne veut pas. "Il ne faut pas y penser, un enfant doit rester auprès de sa mère ! Comment ferai-je pour l'aider s'il est loin de moi ?" Le père se met en colère. Il déclara qu'elle doit se raisonner. Il ajoute "Cheveux d'or ne peut plus vivre dans son panier ; il est temps qu'il fasse la connaissance de son île. Il emporte Cheveux d'Or et l'emmène jusqu'au bord des rochers. Il l'installe dans une caverne. La nuit s'approche. "Appelle-nous, si tu as besoin !"
Cette nuit-là fut pour Cheveux d'Or la première nuit loin de sa mère. Il s'endormit au chuchotis des vagues. Il crut qu'elles fredonnaient un air qu'il connaissait, un air qui faisait :
la la la la la la la la bébé requin bébé velours
la la la la la la la la bébé requin bébé velours.
Le lendemain le père déclara à sa femme "J'ai fait un rêve cette nuit. Un grand requin m'est apparu. Il m'a dit qu'il voulait connaître son île, rencontrer et faire la connaissance de ses frères. C'est Cheveux d'Or. Il est venu me dire qu'il devait nous quitter" . Cette seule idée fait fondre la Mère de Cheveux d'Or en larmes. Rien ne la réconforte. Alors le père de Cheveux d'Or déclare : "Attend-moi là, je reviens" Il disparut dans la forêt.
Quand le père réapparaît, il porte sur les bras une brassée d'herbe d'awa avec une noix de coco, une poule et un poisson rouge. Il broie, concasse, mêle, mélangea, réduit tous les éléments qu'il avait apportés. Il obtient une crème délicieusement irisée souple et douce. "Allons voir Cheveux d'Or ma Femme" Elle le suit. Ils s'arrêtent au bord du rivage. Il appelle Cheveux d'Or.
Elle chante le joli refrain.
Quand Cheveux d'Or l'entend il entre dans les eaux et rejoint ses parents. Il se jeta dans leurs bras puis il s'allongea. Son père prend la crème irisée délicieusement souple et douce et masse son fils de la tête à la queue, de la queue à la tête, tout le long de son corps. Cheveux d'Or s'abandonne. Il se laisse faire. Il est heureux. Pourtant soudain, il quitte les bras de son père et disparaît brusquement dans les eaux tranquilles.
La mère poussa un cri et joint les mains. Le père la prend par la taille. "C'est la vie !" déclare-t-il "Notre enfant doit vivre sa vie loin de nous. Ce massage lui donnera la force de surmonter les épreuves et de poursuivre ses pérégrinations."
A ce moment-là Cheveux d'Or réapparaît. Il pirouette dans l'eau. Il brasse l'écume. Il montre sa force et sa puissance. Il rassure sa mère. "Admire sa force" dit le père à sa femme. Cheveux d'Or disparait définitivement sous leurs yeux. Le Père et la Mère reprennent le chemin de la hutte en silence appuyés l'un sur l'autre.
... à suivre