mercredi 24 juillet 2013

Hôtel "Les perruches" - courte histoire extraite à ma façon de l'ouvrage "Le cercle des menteurs - Jean Claude Carriere


Il était une fois, il n'était pas
Un commercial avait l'habitude, dans une certaine ville, de s'arrêter dans un certain hôtel appelé "Les Perruches".
Il aimait bien lui-même, ces délicieux oiseaux que sont les perruches. L'hôtelier aimait les perruches. Dans le hall de l'établissement,  il avait dressé une cage aussi spacieuse que dorée. A l'intérieur des perruches, vêtues de pastels pâles ou vifs, vivaient leur vie avec bonheur, autant qu'elles pouvaient vivre le bonheur dans une cage, même dorée.
Un soir, le commercial ayant terminé sa journée entre dans l'hôtel.
Quelques mots auprès de l'hôtelier : "ah vous voilà, oui me voilà, ah ça marche les affaires, beuh oui je n'connais pas la crise et bla bla bla et bla bla bla..."
Le commercial prend la clef de la chambre et s'engouffre dans l'ascenseur. Un jour deux jours trois jours peut-être, un beau matin il quitte l'hôtel... pour cause de contrats à signer ailleurs.
D'ordinaire il regarde les perruches, les admire : leurs couleurs, leurs agitations, leurs baisers bécotés échangés, sourires aux lèvres, il se ravit à les regarder. Mais ce matin-là, avant de partir, il leur parle. Il leur parle vraiment, dans leur "langue," il siffle comme les perruches sifflent, ou du moins des sifflements ressemblants. Ce qu'il pense ou croit.  Puis il s'en va.
"A l'année prochaine l'hôtelier" et les clefs cliquettent en tombant de sa main sur le comptoir de noyer.
et les clefs se balancent maintenant sur le clou du panneau des clefs pendant qu'aux trois quart tourné vers la porte l'hôtelier répond "A l'année prochaine Commercial" 
L'année suivante le commercial réapparaît.
"Ah vous voilà, oui me voilà, ça va les affaires, ah je connais la crise et bla bla bla bla..." 
Un jours deux jours, au troisième jour le commercial ne peut rester dans la région davantage, il doit partir. Pendant qu'il règle sa note il s'inquiète
"Que se passe-t-il Hôtelier, vous n'aimez plus les perruches ? la cage est vide"
"Ah vous faites bien d'en parler Monsieur Martin, la dernière fois que vous êtes venu, quand vous êtes parti vous leur avez parlé ?"
"Heu !"  le commercial réfléchit "Oui, tenez, quand j'y pense, c'est vrai ça, vous avez raison l'Hôtelier, d'ordinaire je me contentais de les admirer, j'me souviens maintenant, je leur ai dit trois mots, dans leur jargon, enfin j'ai sifflé comme elles sifflent !"
"Et bien je ne sais pas trop ce que vous leur avez dit ni ce qu'elles ont compris mais toujours est-il que le lendemain je les ai retrouvées couchées  sur le sol de la cage et elles ne se sont plus redressées. J'ai décidé de ne pas les remplacer. J'étais trop triste."
Pendant que son véhicule diesel ronronnait jusqu'à être prêt au départ, monsieur Martin prit le temps de réfléchir :
"Qu'avait-t-il bien pu leur dire, qu'avaient-elles bien pu comprendre ?" 

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