lundi 19 mars 2007

Les "Prestous" ou les "Vacairols" : conte pyrénéen

Bonjour

Or doncques, le conte allait promenant
Et comme l’écrivit si bien une flamboyante conteuse qui n’est pas votre rapporteuse,

Il portait le ciel sur la tête
Et la terre entre ses mains



Sur son chemin, remarqua-t-il ce paysan pyrénéen qui regardait la terre de sa métairie ?
Celle-ci était accrochée aux coteaux appelés petites Pyrénées. Leurs terres et celles du paysan, étaient recouvertes de neige. De la dernière neige, car le mois était à mars. Le printemps ne tarderait pas à se montrer. D’ailleurs il se montrait. Un vrai plaisir : le ciel était bleu, le soleil, un peu blanc, osait quelques rayons, fous d’une ivresse matinale. Les herbes elles-mêmes, trouaient, audacieuses, quelques unes des bosses blanches, d’un trait vert pomme. Pendant ce temps, signe plus vrai que vrai qu’il était temps que le printemps se présente, la paille des animaux se raréfiait chaque jour davantage.
Justement, au 28 mars les bêtes reçurent leurs presque dernières brassées. Le paysan s’affola. Il regarda par la fenêtre de l’étable. Aperçut le soleil. S’octroya une belle audace. Il ouvrit grand la porte et un pied sur le seuil un autre sur le sol il cria –dit-on- au plein air :

En dépit de mars et de marseillettes
j’ai sauvé mes vaches et mes génisses


Que n’avait-il fait ! Jeter la parole en l’air de cette façon-là, n’est pas sans danger. Quelqu’un peut l’entendre. Ce jour-là quelqu’un l’a entendu et s’est puissamment vexé : Mars, toujours un brin guerrier, trouva le paysan bien orgueilleux. Il décida de le contrarier. Du style

« Non mais dis donc toi ! Tu vas voir un peu ! »

Et Mars se tourna vers son petit frère qui répondait au doux nom d’Avril.
« Avril » l’appela-t-il, « Ecoute-moi, j’ai quelque chose à te dire ! » Avril se demanda ce que son frère pouvait bien avoir à lui dire d’autre sinon « A l’année prochaine » mais, attentif, il se pencha sur lui. « Que veux-tu Mars, dis-moi, je t’écoute ! »
« Et bien voilà »

Et gnia gnia gnia et gnia gnia gnia et gnia gnia gnia, Mars se plaint de l’arrogance du paysan et de ses paroles dites et il précise qu’il veut lui concocter une petite vengeance à sa façon. Et il ajoute « Mais pour cela, j’ai besoin de toi frérot ! »
Avril, frérot bien gentil, répond « Vas-y, je t’écoute »

« Et bien voilà »

Mais cette fois, Mars ne fait pas gnia gnia gnia, ni gnia gnia gnia, ni gnia gnia gnia. Toujours guerrier, il dévoile sa tactique pour de vrai :
« Vois-tu Avril gentil, il me reste encore deux jours. Prête m’en un des tiens , prête m’en deux, cela m’en fera quatre : et à tous deux tu vas voir comme on va lui faire trembler de froid ses deux vaches, ses deux génisses et son beau taureau au paysan pyrénéen ! »


Avril est gentil. Il ne voit pas trop bien ce que lui a fait le paysan pyrénéen mais il a pitié de la vexation qu’à subie son frère Mars. Alors il se prête au jeu.


Et c’est ainsi, que pas plus tard que dans la nuit du 29 au 30 mars le temps se gâte. Le vent de l’Ouest se met à souffler très fort, la température à baisser de quelques bons degrés, la pluie à s’en mêler, à se parer de grésil, et la neige à succéder à celui-ci. Et à la surprise de tous, autant que de notre pyrénéen, quatre jours plus tard, la terre a remis un bien épais manteau, tout blanc de neige.

Dans l’étable le paysan se lamente. Ses deux vaches n’ont pas résisté aux premiers retour du froid. Ses deux jeunes génisses ont à peine duré quelques heures de plus. Et maintenant il s’arrache les cheveux de la tête à la vue de son beau taureau allongé tant il est affaibli. Il se les arrache plus encore à la vue des râteliers, vides de toute brassée de paille. Va-t-il perdre son taureau ? Rien qu’à l’idée il laisse retomber ses bras lamentablement le long de son corps. Si lentement que ses yeux suivent le mouvement. Et que le paysan aperçoit quelques brins de paille qui dépassent de ses sabots et qui lui tiennent les pieds au chaud.
Il n’a qu’un sourire. Il oublie tout son confort. Il offre aussitôt quelques uns de ces brins à son taureau qui les mâche lentement avec plaisir.

C’est ainsi que le taureau du paysan pyrénéen survécut à la vengeance de Mars.
De fait, le soleil ne fut pas long à réapparaître et la bête, à reprendre le chemin de la pâture.


Et cric et crac, le conte es acabat


C’est une petite histoire. A peine une anecdote. Quoique.

Là-bas, dans les Pyrénées, chacun connaît les premières belles journées de mars et en profite, retrouvant un regain de forces. Mais chacun prend son mal en patience à la fin du mois de Mars quand celui-ci rejoue sa petite vengeance. L’un peut commenter : " C’est encore un coup de Mars" Un autre préciser :
« Faut juste laisser passer les deux prestous par ici et les deux vacairols par là" Il y en a même quelques uns qui en profitent : ils vont jusqu’à questionner : « Vous n’avez pas une autre d’histoire ? »
Et s’y collent


l’homme et la femme qui n’avaient qu’une dent
Pour le commencement
Qui n’avaient qu’un pied
Pour la moitié
Qui n’avaient qu’un genou…..
Et voilà le bout

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