de Catherine Gendrin et Laurent Corvaisier chez Rue du Monde
Je l'ai lu et lu et relu et re re lu. Pourquoi me revient-il en tête aujourd'hui ?
Autant qu'il m'en souvienne ce conte serait africain et précisément du Sénégal. Ce pays aimé de mon père qui aimait à dire "Je suis de là-bas" A la vérité, il est vrai que s'il se met au soleil, il devient couleur chocolat en deux temps trois expositions. Mon père est un conteur ou tout au moins un menteur.
Je reviens au conte.
vQuand... j'y pense
mon coeur s'allonge
comme une éponge
que l'on plonge
dans un gouffre
où l'on souffre
tant de tourments...
que... quand j'y songe
mon coeur s'allonge
comme une éponge
que l'on plonge
dans un gouffre
où l'on souffrent
tant de tourments...
que... quand j'y songe
mon coeur s'allonge
comme une éponge
que l'on plonge
dans un gouffre
où l'on souffre
tant de tourments
Il était une fois dans un royaume lointain, un roi terrible, terrifiant.
Son peuple en avait peur.
Le roi s'appellait Dicktatro
Son peuple le craignait.
Colportait-on aux oreilles de ce roi une rumeur à propos d'un homme qui réfléchissait à la qualité du pouvoir du roi et à la liberté de son peuple ? Le roi, convoquait son premier ministre et d'une main vive, soulignait son menton en sa direction.
Lequel premier ministre faisait réunir le peuple sur la place publique, la place Karana et devant le roi qui se désopilait déjà rien qu'à l'idée, le premier ministre faisait voler la tête de l'audacieux d'un sabre tranchant. Et le roi rit. Rires de Dicktatro oh ho ho ah ah ah.
Le peuple craint le roi.
Le peuple a peur du roi.
Il faut dire que si le roi a envie de rire plus que d'ordinaire, c'est simple. Il fait réunir son peuple sur la place, et désigne quelqu'un au hasard dans la foule. Les gardes s'approchent et du souligné que vous savez, sur l'estrade toujours en place le sabre tranche, et la tête roule.
Le peuple craignait le roi. Le peuple avait peur du roi.
Le roi a une armée, oui le roi a une police, oui le roi a des juges et des espions. Et tous ne savent faire qu'une seule chose pour le roi : lui vouer obéissance. Le roi ordonne. Armée, police, juges, espions, tous obéissent au roi. C'est tout ce qu'ils savent faire, craignant trop de perdre la tête s'ils faisaient autrement. Obéissants au doigt et à l'oeil.
Le peuple ne doit pas être supérieur aux militaires, aux policiers, aux juges et aux espions. Le roi veille. Comment ? en s'occupant des écoles, elles sont inutiles. Qu'on les détruise !!! La voix du roi résonne par-delà les couloirs de son somptueux palais.
LES ECOLES
Et les écoles sont détruites.
Les enfants n'apprennent plus à lire.
Connaître savoir comprendre ils ne sauront plus.
LES LIVRES
Mais un jour Dicktatro surprend quelqu'un qui lit un livre au bas d'un arbre, il lit un livre à des enfants !
les enfants n'apprennent plus la lecture mais on la leur fait ? La lecture est dangereuse !
Devant le danger le roi ordonne
"Faites brûler les livres !"
La voix du roi résonne par-delà les couloirs de son somptueux palais.
Et les livres sont réquisitionnés et brûlés. Ils ont brûlé le jour, ils ont brûlé la nuit. Ils ont brûlé plusieurs jours, jours et nuit.
Le peuple se tait. Il craint le roi.
Le peuple a peur du roi.
LES LECTEURS
Le roi Dicktatro réfléchit. Il n'y a plus de livres mais il y a le lecteurs. Ce lecteur est dangereux. Au lendemain d'une nuit insomniaque il ordonne au ministre
"Premier ministre, souligné d'un doigt sous le menton, faites perdre la tête au lecteur !" La voix du roi résonne par-delà les couloirs du somptueux palais.
Et la tête du lecteur a roulé sur la place Karana. Mais les autres lecteurs aussi sont dangereux.
"Premier Ministre que toutes les têtes de lecteurs tombent !"
Et d'autres têtes de lecteurs ont roulé. Sur la place Karana les têtes s'amoncelaient.
Le peuple est silencieux. Il craint le roi.
Le peuple a peur du roi.
LES CONTEURS
Mais le roi doutait. Lui obéissait-on bien ?
Le roi décida de vérifier par lui-même. Il n'y avait plus de lecteur. Mais en rentrant au palais il remarqua un homme assis au bas d'un arbre, et assis, lui faisant face, une palanquée d'enfants aux oreilles d'or. Ils écoutaient. Les oreilles étaient grandes ouvertes et le seul mot que disaient les enfants étaient "encore" et le conteur, c'était un conteur- commençait une nouvelle histoire. Ainsi donc la parole d'un homme pouvait réunir autant d'oreilles. L'homme est un conteur.
Le roi réfléchit. Des oreilles qui écoutent c'est pire qu'apprendre à lire, ou que lire un livre aux enfants. C'est un acte qui ne laisse aucune trace, enfin..., allez savoir ce que peuvent faire les mots dans les mémoires ? L'écoute est dangereuse.
Devant le danger le roi Diktatro ordonne
"Décapitez-moi ce conteur.... et tous les autres conteurs aussi !" La voix du roi résonne par-delà les couloirs du somptueux palais.
Et de jour et de nuit, le le sabre, telle une virgule, souligne souligne, et sur la place Karana les têtes s'accumulent.
Le peuple est muet. Le peuple craint le roi.
Le peuple a peur du roi.
LES FEMMES
Le roi Diktator est content. Il a supprimé les écoles, il a supprimé les livres, il a supprimé les lecteurs, les tchatcheurs, les raconteurs, les conteurs. Il est heureux. Et il se promène dans son royaume avec contentement : tout est tranquille, même le bourreau et le premier ministre ont moins de travail. Tout va bien.
Mais un soir, alors qu'il passe devant une maison le roi Dicktator entend murmurer. Quelqu'un raconte une histoire. C'est une femme. Qui dit "l'histoire est finit, bons rêves les enfants !"
Bon rêve ! Le roi n'aime pas les rêves, ils sont pleins de musiques et d'amour. Les rêves sont dangereux. Il va faire tuer les mères.
Tuer les mères ? Le premier ministre est abasourdi -qui adore retourner chez sa mère l'écouter quand elle dit "les babouches d'Abu Hacem" ou "le conte du mensonge le plus doux"- si vous voulez tuer les mères je pense que votre peuple se retournera contre vous, les mères sont essentielles au monde !!!
D'accord a dit Dicktator à regret d'accord, je ne vais pas les faire tuer, mais je vais les faire disparaître Et il a ordonné de sa voix de stentor "Tailleur Royal, crée donc une tenue qui ne laisse apparaître des femmes que leurs yeux et leurs mains" Et le tailleur a obéit. Et hi hi hi ha ha ha le rire de Dicktator s'éparpillait au-dessus des femmes dont il ne voyait plus désormais que les mains et les yeux
Dicktator était rassuré. Au moindre écart de ses administrés leurs têtes tombaient. Installé dans son hamac, l'immensité du ciel lui offrant le triangle de l'été il dégustait son bonheur.
LA VIEILLE RIDÉE
Mais un jour le roi Kicktator apprend qu'une vieille femme non seulement raconte des histoires aux enfants mais en plus, à l'aide d'un bâton, elle les dessinait sur le sable. Puis elle laisse à la vague le soin de les effacer quand la vague est là ou les efface elle-même.
Dicktator hurle "Qu'on l'amène sur la place Kanara et le peuple aussi, j'y serai !"
La vieille femme est amenée devant le roi Dicktator. Elle porte un voile. Il le lui arrache. Un visage portant près de cent ans de sourires en rides apparaît. "C'est donc toi Vieillarde Ridée qui ose transmettre tes savoirs et tes connaissances aux enfants en dépit de mes interdictions"
ô Diktator que puis-je transmettre quand mes connaissances ne sont que gouttes d'eau face à l'océan des connaissances
Diktator répète gouttes d'eau dans l'océan des connaissances et bien vérifions cela. Je vais te poser une devinette. Tu y réponds tu as la vie sauve, tu n'y réponds pas tu perds la vie et les enfants auxquels tu veux apprendre à lire et réfléchir mourront à leur tour... Es-tu prête ?
La vieille femme baisse la tête. Elle acquiesce.
Regarde.
Il se tourne vers un foyer aux braises rougeoyantes. Il saisit l'une d'elles au moyen d'une pince attrape une braise entre deux pinces et il la jette dans une vasque pleine d'eau. Les éléments se rencontrent et chaque personne présente dans la pièce entend un chuchotis.
L'as-tu entendu aussi la vieille ? alors écoute bien, voici ma devinette "qui de la braise ou de l'eau a émis le bruit ?"
La vieille pince les lèvres, réfléchit et répond "je suppose que ce sont les deux ensemble ?"
Peut-être ou sûrement mais ce que je veux savoir c'est en quelle proportion l'un plus que l'autre ?
Comment savoir ?
La pauvre femme s'interroge.
Que répondre ? Elle n'en sait fichtrement rien. la seule chose qu'elle sache c'est que sa dernière heure s'approche. La chose est sûre, elle va mourir. Mais si elle meurt, les enfants mourront aussi ! Cette responsabilité fait monter en elle une sourde colère. Alors qu'elle s'incline humblement vers le roi en signe de reconnaissance, son bras droit se soulève et sa main esquisse dans l'air une courbe qui se termine splash en ce bruit sur la joue du roi Dicktator.
Elle vient de gifler le roi ! Que va-t-il faire ? Le temps suspend son vol ! Elle en profite
"Roi, en proportion, dis-moi qui de ma main ou de ta joue a fait splash ?"
Le roi est abasourdi, sidéré, tétanisé, à peine s'il peut passer une main sur sa joue endolorie. Que va-t-il dire ? Que va-t-il faire ?
Le peuple est plus rapide. Il éclate de rire, puis il fonce et se précipite sur Diktator, son premier ministre, les juges, et les militaires et les voilà tous mis à nus, emportés, attachés à des poteaux. La nuit tombe. Chacun entend des bruits effroyables. Le lendemain il ne reste pas même un seul éclat d'ivoire.
L'histoire assure que depuis ce jour, dans ce royaume, on apprend aux enfants pauvres que le rire et la colère sont des armes efficaces.
Le peuple n'est plus muet. Le peuple ne craint plus le roi.
Le peuple est debout.
Quand... j'y pense
mon coeur s'allonge
comme une éponge
que l'on plonge
dans un gouffre
où l'on souffre
tant de tourments...
que... quand j'y songe
mon coeur s'allonge
comme une éponge
que l'on plonge
dans un gouffre
où l'on souffrent
tant de tourments...
que... quand j'y songe
mon coeur s'allonge
comme une éponge
que l'on plonge
dans un gouffre
où l'on souffre
tant de tourments
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