vendredi 23 février 2007

La rose bleu de Chine (Chapitres I - II)


Il était une fois
Ce n’était point ici
Ce n’était point là-bas
C’était Ailleurs
Là où on appelle roi, l’empereur
Et son royaume, un empire.

Chapitre I
Un empereur bien démuni

Il était une fois dans l’empire de Chine, le dernier empereur. Le dernier empereur de la dernière dynastie des Han. Père de la plus merveilleuse des princesses impériales.
Une joie, diraient certains.
Peut-être. Et pourtant pas.
Cet empereur se désespère.
Pourquoi donc ?
Aucun homme ne se serait désespéré, père comme lui d’une fille, des chevilles aux poignets toute faite de finesse ; de l’ovale du visage jusqu’à la pointe des cheveux, à nulle autre pareille ; et la tête si bien faite que, astronomie, calligraphie, mathématiques et poésie, rien n’y aurait manqué….
Peut-être. Et d’autant plus.
Car, empereur ou pas, mais surtout dernier empereur de sa dynastie, une fille égale un prétendant, un prétendant un mari, un mari des enfants, des enfants des petits enfants, des petits-enfants la succession de l’empereur assurée ! Pour le dernier empereur de la dernière dynastie des Han, la plus parfaite des aubaines !
Pourtant pas !
La princesse de fille de l’empereur dernier de sa dynastie, s’obstine à refuser sa main aux candidats nombreux et généreux qui, tous les jours, se présentent au palais pour la lui demander.
Quand il se risque à lui en demander la raison, elle n’en donne pas. Sans raison « mon père » dit-elle Et elle précise parfois « Sans raison aucune » Parce qu'elle ne veut pas trop déplaire à son empereur de père.
L’empereur n’en peut plus. Il est à bout, désolé à s'en mettre à pleurer. Justement, il pleure. Mais il s'en défend. Il se réfugie seul, dans cette grande salle où se réunissent régulièrement, avec lui, tous les mandarins de l’empire.

Chapitre II
L'éxigence de sa jeune princesse de fille

Un jour où il s’est réfugié dans la grande salle d’apparat et où il y sanglote, tête baissée et dos voûté, l’empereur surprend un bruit.
Sans bouger, il soupçonne que la double et lourde porte, de laque rouge cloutée d’argent, glisse sur ses gonds.
Sans bouger, il devine des pas légers et les imagine qui effleurent le marbre blanc veiné de bleu, malgré l’interdiction formelle de pénétrer dans cette salle impériale sans autorisation.
Sans bouger, il n’a plus besoin d’imagination pour découvrir, de ses yeux, les socques de sa fille, rehaussées de pierreries.
Sans bouger, il reconnaît sa voix quand elle se met à parler. Elle tombe sur ses épaules et dit sans une seule hésitation :
« Mon père, j’ai réfléchi, je veux bien me marier ! »
L’empereur ne réfléchit pas. De presque joie, il saute, malgré son corps petit et fort pour ne pas dire rond, pour entourer de ses bras courts et potelés, le cou gracile de sa jeune princesse de fille. Mais, comme il regrette d’avoir oublié cette bizarre manie qu’elle a, d’interrompre et de
poursuivre ses phrases par un « Mais... » comme elle le fait «... mon père, à une condition cependant… »
Alors, il se laisse lourdement retomber sur le trône et demande avec anxiété
« Laquelle ma fille, dites-la moi. »
« A la condition que mon futur époux puisse m’offrir une rose mon père ! » répond-elle.

L’empereur n’en revient pas. "Une rose !" Il n’est rien plus facile que d’offrir une rose. Aucun jardin ne se passerait de rosiers, et de rosiers, les jardins de l’empereur en sont pleins. Son empire aussi. De presque joie, l’empereur se relève et sur la pointe des pieds, il tend une deuxième fois ses bras potelés autour du jeune cou gracile. Et quelques secondes plus tard, il regrette pour la dernière fois d’avoir oublié, cette bizarre manie qu’elle a de suspendre sa phrase et de la poursuivre, comme elle fait d’un
« Mais attention, mon père, pas n’importe laquelle des roses ! »
L’empereur, tout en s’asseyant de nouveau, demande plus anxieux encore
« Laquelle ma fille, nommez-la moi ! »
« La rose bleu de Chine mon père ! »
Et, sur ces mots, elle tourne les talons et ceux-là échotent* sur le marbre blanc veiné de bleu sur lequel la double et lourde porte de laque rouge, cloutée d’or et d’argent, se referme !
Dans la salle c’est le silence

à suivre...

Aucun commentaire: