mercredi 30 août 2017

Lara la belle - Conte brésilien

Ainsi que le dit le conteur
S'il fait chaud, met un chapeau
s'il fait froid, protège tes doigts
si tu dois écrire un conte
prend-toi à mentir, prend-toi à mentir

c'est une vieille vieille histoire
Peut-être même qu'elle n'a jamais été jeune
d'où la tiens-je, qu'importe, je la tiens et je m'en vais vous la donner telle qu'on me l'a dite.

On dit d'Elle qu'elle s'appelle Layara  Qu'Elle est indienne, du Brésil  de l'Amazonie. On dit qu'elle porte long, cheveux noirs si brillants que bleu et peau couleur cannelle.  Dès l'enfance, on a dit d'elle "c'est Layara, la belle" 

Dès l'enfance, Layara qu'on appelle la belle, dormait entre sol et toit de feuilles de bananiers, dans un hamac de fils crochetés dont la légèreté éloignait d'Elle tous les animaux et les insectes et la rapprochait des étoiles. Layara belle rêvait.

Elle grandissait, rieuse, capable, courageuse, batailleuse, rapidement meilleure, sous les yeux de son père, que ses trois frères.
"Bravo belle Layara, je te félicite" disait le père
"Bravo, Magnifique Layara, qui pourrait faire mieux que toi ! Pas même tes frères" 
"Bravo Layara  disaient ceux de la tribu et ils ajoutaient 
"Layara est la plus merveilleuse des filles"
Et le père, regardait ses fils, avec désespoir. 

Mais les frères de Lara n'acceptaient pas d'être humiliés. De jour en jour ils jalousaient cette soeur  que leur père leur préfèrait. 
Layara par ci, Layara par là... Layara par ci, Layara par là... 
Layara par ci, Layara par là... Layara par ci, Layara par là... 
Layara comprenait la déception de ses trois frères. Layara attristée redoublait de gentillesse auprès de chacun d'eux.
Chaque fois que son père dénigrait ses trois frères Layara vantait les mérites de chacun d'eux auprès de lui.  Comme le père se moquait d'eux, Layara rendait à ses frères toute sorte de services : elle leur confectionnait des parures de plumes pour aller à la chasse, toutes différentes, toutes très colorées. Elle tissait leurs carquois ; elle préparait leurs flèches. Mais en faisant cela, le savait-elle ? Layera ne faisait qu'exacerber leur ressentiment envers elle.

Une nuit sans lune, une nuit profondément noire, alors que tous ceux de la tribu dormaient profondément dans leurs hamacs et sous les différents toits de feuilles, des chuchotis, des murmures ont réveillé Layara.  Layara avait l'ouïe très fine. Elle n'eut pas besoin de tendre l'oreille pour reconnaître la voix ! C'était celle de son frère aîné !

Il disait que ça ne pouvait plus durer et qu'ils devaient se débarrasser de Layara!
Layera manqua s'étouffer en comprenant que ses frères voulaient se débarrasser d'elle ! Layara sursauta mais elle n'était pas au bout de ses surprises parce qu'une seconde voix se faisait entendre. Elle l'a reconnue aussitôt : c'était celle de son frère cadet ! 

 "Tu as raison, tuons-là !"

La tuer, il était d'accord avec leur frère aîné, ainsi deux de ses frères voulaient la tuer ! Layara manqua trébucher. Elle retrouva son équilibre. Ses sourcils s'étaient rejoints. ils soulignaient son front d'un seul trait horizontal. Layera n'était pas au bout de ses peines : elle reconnue aussitôt la voix de son frère benjamin. Il concluait d'un 
"Exécutons-la dès maintenant, c'est le bon 
moment par cette nuit sans lune !"

Cette fois c'était une fois de trop. Layara pensait aussi vite qu'elle pouvait.  "Ils vont voir mes trois frères" et plus rapide que le jaguar peut l'être elle prit d'un bond ses frères par surprise et plus habile dans son geste que le singe le plus adroit, un, deux, trois, elle trancha la gorge à chacun ! 

La chose faite, troublée et tremblante, Layara pensa à leur père. Il était sorcier, le plus réputé de tous les sorciers du territoire. Quelle serait sa réaction ? Que dira-t-il, que fera-t-il ? Layara n'osait imaginer. Layara prit la fuite. Mais il faisait nuit profonde. Elle heurta une deux trois marmites. "Tant pis" pensa-t-elle, "qu'elles restent au sol, je n'ai pas le temps de les relever" 
et Layara s'enfuya
Fuit fuit Layara Layara s'enfuyait.

Le heurt des marmites entre elles réveilla immédiatement le père de Layara. Il sauta de son hamac et trébucha aussitôt sur les trois corps emmêlés de son fils. Il sentit sur ses mains qu'il avait mises en avant, et sur son propre coeur un liquide chaud et gluant. Le liquide avait l'odeur du sang, le sang de ses trois fils. Le père poussa un hurlement
"LaYaRa a tué ses trois frères
Le père-sorcier se trouble, il répète LaYaRa a tué ses trois frères
LaYaRa a tué ses trois frères LaYaRa a tué ses trois frères
je vais la suivre, je vais la rattraper..." mais aussitôt il pense

Mais par où sera-t-elle parti ? 

Par où a-t-elle fui ?

La nuit était si noire qu'il pensa, avec raison, que seul il n'arrivera à rien
Cette fois, comme un fou, le père- sorcier passa d'une hutte à l'autre et réveille celui-ci, celui-là, cet autre encore et encore cet autre
Peu à peu tous les hommes de la tribu se réveillèrent. Ils écoutèrent et le sorcier-père leur apprit la nouvelle.
"Ma fille Layara a égorgé ses trois frères, 
nous devons la retrouver, aidez-moi !"
Il était le chef de la tribu, le grand sorcier de la tribu, tous les hommes de la tribu lui obéirent. Tous partirent à la chasse à  Layara la belle, longs cheveux noirs brillants et peau couleur cannelle.


Layara court, 
Layara vole, 
Layara fend la forêt de ses pieds qui la connaissent par coeur, 
Layara court vers le fleuve. Parfois elle s'accroche aux lianes pour aller de l'avant de l'une à l'autre. Plus vite Layara plus vite. Parfois elle se tord les chevilles sur les racines qui affleurent. Puis un instant après, elle reprend sa course de pied ferme,  en direction du grand fleuve. 
Court court Layara 
Layara court vers le grand fleuve. 
Soudain Layara ralentit 
Layara, se trompe-t-elle ou est-ce bien la voix de son père qu'elle vient d'entendre ? Il crie et harangue ses guerriers ; 
"Plus vite guerriers, rattrapez-la.... 
rattrapez Layara" 

Court court Layara 
Layara court
La nuit blanchit court court Layara tu vas arriver au fleuve, tu prendras la pirogue ! 
La pirogue est là à trois pas, l'eau mouille déjà les chevilles de Layara
Layara saute, saute Layara dans la pirogue

Mais voilà Layara rattrapée par les guerriers les plus rapides de la tribu. Ils collent Layara au sol, joue plaquée dans l'eau. Layara se débat. 
"Lâchez-moi, vous m'aimiez bien, mes amis, lâchez-moi !"
c'était vrai : les guerriers aimaient Layara.

Mais le père-sorcier ordonne 
"Ne la lâchez pas !"
Elle se fait suppliante
"Père, écoutez-moi !"
"Non, ne dis plus rien, tais-toi !" et d'insister en regardant les hommes de la tribu 
"elle a tué ses trois frères"
Layara insiste 
"Père, écoutez-moi ! il faut que je vous dise" 
Mais le sorcier tourne la tête. Il ne veut rien savoir.
Et les guerriers, qui aimaient tant LaYaRa, à leur tour ils ne veulent rien savoir  Elle les supplie : ils détournent leurs regards. Ils restent silencieux. Ils attendent l'ordre. 

"Guerriers, jetez Layara dans le fleuve !"  

Le sorcier n'a aucun sanglot dans sa gorge.

Les guerriers saisissent LaYaRa, ils la soulèvent et la font tournoyer dans les airs une fois, deux fois, trois fois, encore et soudain ils la lâchent. Layara échoue au plein milieu du fleuve géant, là où les eaux noires rejoignent les eaux marines. Layara lutte, elle se débat, mais peu à peu elle ne se débat plus. Soudain, elle disparaît dans la vague de mousse ou la mousse de vague d'un tourbillon puissant.

Les hommes guerriers et le père sorcier sont retournés au village de huttes et aux hamacs tendus d'un poteau à un autre poteau.

Pendant ce temps, 
dans la rivière, 
dans le fleuve gigantesque, des poissons du fond des eaux ramenaient à la surface le corps de Layara. Elle n'était plus humaine ; elle était devenue... sirène.



c'est depuis ce temps que Layara hante le fleuve toutes les nuits et qu'elle chante d'une voix merveilleuse. Les hommes résistent difficilement à cette  voix mystérieuse qui les appelle. Certains cèdent. Ils se précipitent dans les eaux et ne reviennent jamais. Plus personne plus jamais ne parent d'eux n'entend parer d'eux
Certains résistent. Mais ils ne rêvent qu'à retourner au bord du fleuve, qu'à écouter, qu'à entendre la voix merveilleuse. Leurs femmes les retiennent, les retiennent, les retiennent et parfois ne les retiennent plus.

Hommes qui venez d'écouter, si vous allez dans ce pays, si vous traversez la tribu, si vous cheminez vers ce fleuve, sachez-le LaYaRa vous appellera de son chant merveilleux. Résistez. On est si bien ici à écouter des contes à l'Artiste Assoiffé.


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