Les “Prestous” ou LES “Vacairols”
Bonjour, extrait de RECITS & CONTES POPULAIRES DES PYRENEES - réunis par Jean-Pierre Piniès dans le pays de FOIX NRF (Racontes et contes del pais de Fois - GAILLARD - 1978
Il était une fois, l’Emile.
Outre d’élever des araignées, il tenait en métayage une ferme perchée sur une colline des Petites Pyrénées, au pays d’Ariège*. Il avait dans son étable une jolie paire de vaches, deux magnifiques génisses et un beau taureau à l’oeil vif. La grange avait été tassée de bon foin qui avait bien mûri au soleil et dont la coupe et le séchage avaient été réussis. Mais les bêtes avaient bon appétit et, depuis le mois de décembre qu’elles mangeaient au râtelier, elles avaient vidé presque entièrement la grange.
On était arrivé aux derniers jours de mars. Le froid avait disparu et il ne restait plus, de ci, de là, que quelques plaques de neige. Les jachères commençaient à reverdir au soleil qui se faisait chaque jour un peu plus chaud. Le brave métayer pensa qu’il allait pouvoir bientôt faire paître ses bêtes dans l‘herbe qui poignait partout. Aussi, le 28 mars il leur remplit le râtelier avec les dernières brassées de foin. Cela fait il eut l’orgueil et la témérité de sortir sur le seuil de son étable et de narguer le temps en ces termes :
“Al despièt de març e de marselhetas, Ei escapat mas vacas e mas bedèlhetas” soit “En dépit de mars et de “marseillettes” j’ai sauvé mes vaches et mes génisses”
Mais qu’a...vai...t-il.... dit.... là......, le malheureux !
- Ah ah, fit le mois de mars, cet homme plein d’orgueil croit avoir sauvé son bétail ? Nous allons voir si ce sera vrai !
Et ce faisant, Mars se tourne vers Avril, son petit frère et il lui dit :
- “Abril Gentil, Présta m’en un, pressa-m’en dos, E dos, qu’en teni faràn quatre ; le bestià d’en pages faèm pérnabatre !”
“Abril Gentil Prête m’en un (jour), prête m’en deux et deux que je tiens (encore) cela fera quatre ; Nous ferons trembler de froid le bétail du paysan”
En frère obligeant, le mois d’avril consentit à cette demande et accorda ses deux premiers jours à mars. Et aussitôt celui-ci se déchaîna dans toute sa fureur. Dans la nuit du 29 au 30, le vent d’ouest se mit à souffler en charriant de lourds nuages noirs qui ouvrirent leurs écluses sur la terre.
Le lendemain matin, à cette pluie froide succéda la neige qui recouvrit bientôt tout le pays. Et la tempête dura quatre jours. Au 3 avril, champs, prairies, jachères, pâturages, tout était enseveli sous une épaisse couche blanche.
Le paysan ne put faire sortir ses bêtes et le râtelier était vide depuis plusieurs jours ; l’homme s’arrachait les cheveux de désespoir.
A la fin de la semaine suivante les deux vaches et les deux génisses moururent d’épuisement. Seul le taureau vivait encore, mais il tenait difficilement sur ses pattes. Alors le métayer pis les deux poignées de paille qu’il avait dans ses sabots et il les donna au taureau. Celui-ci put vivre ainsi quelques jours de plus. Puis la neige fondit et la bête put être sauvée.
C’est depuis ce temps-là que les deux derniers jours de mars et les deux premiers jours d’avril, les “Prestous*” et les “Vacairols**”, comme on les appelle, montrent leur mauvaise humeur, et que la pluie, et même la neige font se blottir bêtes et gens après les belles journées de la première quinzaine de mars.
Po Lania- @Laniaconteuse
* Les Prestous : vient de pressera = prêter
** Vacairols : vient de vaca = vache
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