dimanche 3 juillet 2016

Nous sommes le dimanche 3 juillet 2016 et je finis par penser que nous pourrions être en mars.

et qu'il s'en passe des choses au mois de mars, ici ou ailleurs, par exemple Mars ne veut pas rendre son tablier pour laisser place à Frère Avril. Hum hum ça sent le terroir, ça sent l'histoire....que voici que voilà.

C'était il y a longtemps du temps où les poules avaient des dents dit-on.
Du temps où les vaches ruminaient sagement dans l'étable parce que les près n'étaient point prêts
Du temps où l'Emile, fameux paysan accroché à sa colline ariégeoise, l'Emile, voyait avec terreur diminuer sa belle provision de foin. Et il pensait " Vite vite que Printemps s'en revienne que l'herbe pousse et repousse et que mes vaches aillent brouter cette panique bretonne que j'ai eu la bonne idée de semer". Et l'Emile revoyait si bien cette herbe que le goût du beurre fait avec le lait des vaches qui l'avaient mangé, revenait si bien à ses papilles qu'il croyait qu'il était en train de déguster ce bon beurre breton sur sa tartine ariégeoise !   On aurait dit que Lola la Sage, Fine la Rose, ses deux génisses, Fleur de Lait, et Minie LaTendresse et  Hugo Le Taureau, dans la foulée, on aurait dit que tous comprenaient ce qui leur manquait. Tous meuglaient de l'espoir d'écraser, sous leurs mâchoires,  l'herbe nouvelle. 
Tous les jours l'Emile scrutait le ciel, la neige. Tous les jours il  questionnait "Quand fondras-tu Belle Blanche, n'as-tu pas fait ton temps, c'est l'heure ?"
C'est ainsi qu'un matin des derniers jours de mars, le 28, dit-on là-bas en Ariège, L'Emile "te surprend" un soleil un peu plus haut et plus chaud que la veille et jusqu'à ses jachères qui se reprennent à reverdir. Notre fermier trapu et rondelet, coiffé d'un béret noir se prend à croire à l'arrivée du Printemps. Tout fou  il  crie sa joie à ses bêtes "Demain mes belles, demain joli troupeau, vous irez manger l'herbette nouvelle" Et pire que tout, il ouvre la porte et sur le seuil il harangue le ciel  "L'Hiver est fini ! Youpi, l'Hiver est fini ! j'ai sauvé mes vaches et mes génisses !"

Mars entend l'Emile. Il est inquiet, il se fâche !
"Qu'est-ce que tu racontes orgueilleux humain, comment ça tu as sauvé tes vaches et tes génisses, comment ça l'hiver est fini ! Tu vas voir un peu L'Emile comme tu les as sauvées !" Et Mars se met à hurler
"Avril, Avril Avriiiiiiiiil réponds-moi j'ai besoin de toi !" Bref,  il interpelle son jeune frère Avril qui, en théorie s'apprête à lui succéder sur le calendrier.
Avril l'entend. Il demande à Mars "Que puis-je faire pour toi Grand Frère ?"  

"Voilà Avril je t'explique, toi qui es gentil, toi qui es si mignon, voudrais-tu bien me prêter un jour ou deux ? comme ça, avec les deux qui me restent  j'en aurai quatre et ensemble nous ferons trembler de froid le bétail de l'Emile !"
Est-ce parce qu'il est le plus jeune qu'il est aussi gentil ? Bonne pâte Frère Avril répond "OK Mars mon Frère, je te donne mes deux premiers jours, fais-en bon usage !" Mars en fait-il bon usage ? Il  se déchaîne. Dans la nuit du 29 au 30 il te fait souffler le vent d'ouest si fort que celui-ci accroche les uns aux autres de lourds nuages noirs. Et durant la nuit, les lourds nuages ouvrent leurs éclusent et déversent une pluie d'une froidure glaciale. Et ce n'est pas fini.
Le lendemain matin les cheminées annoncent la neige avec leurs fumées qui s'étalent à l'horizontale du sol au lieu de monter à l'assaut du ciel. Et la neige finit par tomber drue, lourde et lente à gros flocons papillons. Et la tempête dure les deux fois deux jours d'Avril et Mars réunis. Tout le pays est recouvert. Et aux 3 d'Avril chacun s'esbaudissait : on n'avait jamais vu une Ariège aussi blanche et aussi froide et des champs et prairies, jachères et pâturages autant enseveli sous la neige. 

Cette fois, l'Emile était mécontent (mais entre nous, la faute à qui ?) L'Emile se désespérait à voix haute :  "Ah la la là, mes pauvres bêtes, si ça continue vous n'aurez plus à manger" C'était vrai,  dans le râtelier le foin diminuait. Et il a tant diminué que les vaches et les génisses sont mortes d'épuisement de ne pas manger à leur faim. "Oh mes belles petites, oh toi ma Sage Lola, , et toi ma Fine la Rose,  oh ma Fleur de Lait, et Minie LaTendresse, oh mes pauvres petites belles" il suffoquait de douleur et en regardant son taureau il lui tapotait l'encolure "j'espère que ton tour n'est pas venu !" C'est alors qu'il a vu les pattes de l'animal trembler, c'est alors qu'il a compris que son taureau allait s'affaisser tant il était épuisé ; c'est alors qu'il a vu dans ses sabots la paille qui s'en échappait puis le regard désespéré de sa bête. Il l'a suppliée :  "Tiens bon Hugo, je t'ai trouvé à manger !" Et il a retiré les deux poignées de paille de ses sabots et la bête l'a mangée. Et la bête a survécu. 
Quelques jours plus tard Avril a interpellé son Grand Frère "ça va Mars, tu as bien travaillé, il est temps que tu me laisses ma part, c'est mon tour, va donc te reposer, tu l'as bien mérité !"
Mars a répondu OK et il s'en est allé en emportant la neige qui fondait.

Mensonge ou vérité ? Ce qui est resté de cette histoire ce sont les petits noms des deux derniers jours de  Mars et des deux premiers jours d'Avril, jours qui montrent leur bien mauvaise humeur. Là-bas en Ariège on appelle les premiers les "Prestous", où "les jours prêtés" et les seconds les "Vacairôls", encore dits "les jours des vaches". Voilà pourquoi, même après la jolie semaine ensoleillée du mois de mars, les gens et les bêtes préfèrent se blottir entre eux jusqu'à la véritable arrivée du Printemps. 

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