article sur @YanickJaulin (emprunté sur son FB) sans son autorisation il est vrai, qu'il me pardonne (voleurs... les conteurs pour force de vérité)
article de Mathieu Lebreton (extrait d'un papier général sur Mythos 2018)
Jour 10. 15h35, lettre d’amour à une langue qui meurt
Jour 10. 15h35, lettre d’amour à une langue qui meurt
Dimanche, on s’est mis au vert en allant voir un des spectacles de la programmation accueillis dans d’autres communes que Rennes. Yannick Jaulin, qui jouait les deux jours précédents au théâtre de la Parcheminerie, présentait à Comper, en pays de Brocéliande, “ma langue maternelle va mourir et j’ai du mal à vous parler d’amour”. Un spectacle découvert l’été dernier à Parthenay, et qui a depuis su mûrir avec bonheur. Déclaration d’amour aux cultures minoritaires, à la langue régionale, à toutes ces identités constitutives écrasées par l’injonction au creuset républicain ou à la norme dominante, cet objet conté est un petit bijou de bout en bout. Drôle, touchant, éclairant, il travaille au plus près ce qu’est le rapport éminemment affectif à la langue maternelle, celle qui construit, et à cet égard l’inclusion de moments musicaux admirablement servis par Alain Laribet est plus que pertinente. Un vrai plaisir à vivre, et des prises de conscience qui infusent ensuite durablement.
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.... En plein questionnement Champs Libres sur l'étrange notion de l'étranger, lettres en G, l'être (d')anger, l'être rangé, je me suis retrouvée il y a longtemps, avenue Janvier, dans un bar. J'ai attrapé au hasard un livret publicitaire culturel et d'un pouce curieux j'y ai glissé un oeil. M'ont sauté aux yeux les mots "Haute-Garonne et Tarn et Garonne " Je me suis arrêtée et j'ai feuilleté.
Le bar toulousain de mon fils ne faisait pas partie du festival Bar-Bars, mais le bar de la place de mon village fétiche, Lauzerte, oui. Alors "Boudu con ! c'est où Bar*Bars ?" :
c'est surtout à "Le Puits du Jour" Place des Cornières -non loin de l'emplacement de ma boulangerie préférée au petit pain double chaud et sucrée de la même place- dont je rappelle le souvenir grâce à La Petite Marie en Ille et Vilaine ou ailleurs. Alors, trois générations plus tard, tous dans le Tarn&Garonne. Garonne les 28, 29 et 30 novembre, ou ailleurs et auprès de tous les autres (voir carte et site : Morbihan, Mayenne, Maine et Loire, Loire Atlantique)
Et pour parler d'un conteur quercinois : il me donna ce conseil "Tu devrais conter ta région avec ton accent, le développer, le peaufiner, l'accen-tuer !"
Pire que tout : qu'entendais-je, que me disait-il : que je "devrais être" ce que moi-même je n'identifiais pas chez moi.
Y arriverais-je ? Pas si sûr. Mince alors.
Qu'est-ce qui avait été dit à la conférence, ah oui, qu'en matière d'étrangeté, l'étranger c'est celui qui n'est pas comme soi.
Je connais beaucoup d'étrangers, ils vivent là où j'habite aujourd'hui et je les considère comme d'ici : je fais une belle erreur alors ?
Il est évident que je m'amuse en écrivant cela.
Il est évident que je n'ai jamais voulu être identifiée par cet accent, pas plus que par ma taille, ou mon côté, "diva".
Tout ça étaient des désignations dont je n'avais pas conscience.
J'ai souvent déménagé et vécu ailleurs : Ariège, Corse, Beauce, Vénézuéla. Il n'y a qu'en Bretagne, que dis-je, qu'à Rennes, que mon appartenance à un territoire régional (et tout de même français) éloigné a été relevée.
Quand on sait que j'ai été élevée, que j'ai entendu toute mon enfance -sans le savoir, oui, c'est à dire sans en avoir conscience- une mère me parler français avec son accent russe, on peut penser que l'international, passé l'Oural, m'ait touchée aussi.
Des "o" et des "a" seraient slaves, dans ma façon de parler, a diagnostiqué, une metteuse en scène d'un "Vous avez un accent" à la certitude sans appel.
J'ai éclaté de rire et et je l'ai rassurée en répondant
"En effet, oui, j'ai l'accent toulousain !"
Elle m'a déstabilisée par un efficace et professionnel
"Pas du tout ! Vos "o" et vos "a" sont slaves !"
De quoi me bouleverser. Puis de trouver cela normal : retour à la mère, rien d'étrange finalement. Pas même une aptitude : je suis incapable de simuler un accent russe, mais au milieu d'un millier de personnes je reconnais entre mille la voix qui parle russe.
Cette histoire ramène soudain, à ma mémoire et en matière d'accent, l'inquiétude d'une professeure des écoles à propos de ma fille : "Il faudrait qu'elle ait des séances avec une orthophoniste !" E moi de m'étonner
"Pourquoi donc, elle parle bien !"
"Oui, mais elle met des "e" partout à la fin des mots !"
"Des "e" partout ?"
Comme je suis sûre que ma fille est un petit génie, je m'étonne. Comme je ne voyais pas où la professeure voulait en venir, j'étais un peu léthargique. La professionnelle me réveille d'un exemple:
"Votre fille écrit fleur"e" quand moi je ne dis que "fleur" !"
Je me réveille. Je comprends tout et je ne peux m'empêcher d'éclater de rire :
"en effet, ma fille met des "euh" partout mais vous savez pourquoi ?"
Elle me répond "non !"
J'exagère un brin :
"Vous ne comprenAIS PAS ?" J'exagère un peu.
Cette fois elle comprend et je confirme sa découverte
"Bien entendu elle écrit mon accent ! Votre histoire, son écriture, fleurent bon mon accent !"
La professeure des écoles n'avait pas pris conscience de mon accent.
Finalement, tout ça, n'est qu'une question d'oreille, qu'une illusion. Bonne ou pas. Quel est l'intérêt de s'arrêter à un accent sinon de faire comprendre à l'autre qu'il n'est pas comme vous ! Il est différent et tant mieux.
Quand on sait, on comprend mieux. Il suffit de savoir. Donc... de demander.
A cette désignation j'ai manqué m'accen-tuer. Je suis en passe de l'accepter. Et de l'assumer, comme une légitimité à laquelle les Zautres s'attendraient.
Alors, contes du Sud-Ouest bonjour et bienvenue : vous serez entremêlés de contes de l'Ouest et de l'Est et du Sud ou de brocéliande. Humaine locataire du monde.
Puisque nous sommes tous des étrangers tant que nous ne nous arrêtons pas les uns sur les autres.
De tout temps ma mère s'arrêtait sur les autres.
De tout temps elle s'oubliait pour parler d'eux. Ou d'elles. Sans rien dire d'elle-même. Rien du tout, l'étrangère qui avait tant fait pour devenir française. Partie sans rien dire, sauf cette terrifiante petite phrase qui résonne dans mon coeur tant l'actualité m'y ramène.
"Je n'ai pas demandé à venir ici !"
Laissons les célèbres pigeons lauzertins méditer sur le sujet; Eécoutons-les roucouler, c'est de saison.
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