vendredi 12 février 2016

Les desserts Francorusse qui faisaient rire ma mère Anastasia

L'origine a bon ou mauvais ton à l'heure actuelle où Lania découvre que son pseudo de conteuse est carrément une légende.

Ma mère se marrait toujours quand elle achetait des sachets de flan Francorusse. Pensait-elle aux trois enfants charmants qui l'accompagnaient, un fils, deux filles ? C'est vrai que,  à l'image de la publicité, nous nous mettions souvent sous le vieux parapluie : ça nous faisait rire et ça La faisait rire.


Pensait-elle toujours à ses trois enfants quand, scraash, elle ouvrait le sachet de papier et éparpillait la poudre blanche dans le lait froid. Et pendant que je la voyais tourner la cuillère de bois, afin de contrôler que le liquide ne passe par-dessus la casserole, je me demande aujourd'hui encore, allez savoir, ce que je pouvais bien penser de ses sourires.

La marque de desserts Francorusse lui évoquait-elle quelque chose ?


Je crois bien que je ne faisais pas de lien entre ce mot et son accent parce que ma mère avait avant tout pour moi, l'accent de ma mère. Un point c'est tout. La chose est sûre je ne pensais pas à mon origine Franco-Russe puisque je ne la connaissais pas. Elle ne me parlait pas sa langue. A peine si elle se laissait aller à chantonner un air que tout un chacun connaît en dehors des frontières russes. A peine si parfois elle me parlait de cigognes qu'elle fréquentait de près quand elle était enfant. A peine si elle me disait qu'elle avait appris à faire la confiture de pastèque auprès de sa mère. Et encore ai-je appris récemment que cette mère était Biélorusse. 
De son père je ne savais rien ou si peu de chose : qu'il s'appelait Florian et qu'il était très grand voire un géant. Elle ajoutait qu'il était si grand et si fort que personne ne pouvait porter sa chevalière à sa place. La chevalière était dans une boîte de cuir bleu et au fond d un tiroir de la commode de la chambre de mes parents. Vrai de vrai, elle était impressionnante, mais je n'étais qu'une enfant. Adulte, j'ai revue la chevalière. Le mot "impressionnant" gardait tout son sens.
La dimension de l'anneau de la chevalière de mon grand-père Florian emportait mon esprit, déjà soumis aux fantaisies des contes. 

et justement... aujourd'hui, je remets sur le net ce pseudo que, rappelez-vous, je croyais avoir inventé un jour de Janvier, en Beauce. Nous habitions notre petit pavillon de banlieue chartraine, sur la route de Dreux. J'emmenais mon fils Guillaume à la maternelle du Mousseau. Je rejoignais une voisine au moment où il choisit de faire le petit coquin : -il est très joueur- il traîne derrière mon dos, peut-être même derrière un platane, peut-être tente-il de fermer le portail -je lui donne des responsabilités parfois. Ne le voyant pas, ma voisine m'interroge : Il est où votre gnan ?" 
Bien entendu que je comprends qu'elle désigne mon fils.
Mais il y a peu de mois que nous vivons en Beauce. C'est peut-être un mot patoisant. 
J'insiste : "ça veut dire quoi un gnan ?"
"Un gniard " rectifie-t-elle. 
Un gniard, un gnan, le gnan ; une gniar, beurk, n ; , un garçon le gnian, une fille la gnan, aussitôt je trouve la nia et hop là je me baptise sur le champ Lania, sans me rendre compte que je suis inspirée sans m'en douter par la fin du prénom de ma mère : Anastasia.

Bien des années plus tard, au cours d'un mois de juin, on me demande si je peux proposer un spectacle de lectures cubaines. Voilà un projet qui m'intéresse beaucoup. J'accepte. S'ensuivent une remise à l'Espagne, j'adore, des recherches sur le net, des lectures, des découvertes et par exemple celle-ci : Hemingway a été interviewé par un journaliste qui s'appelle Léo Lania
: ça alors, mon pseudo a une existence autre que la mienne propre.
Je n'ai rien inventé ! La gifle ! Douleur. Eclat de rire. C'est bon la réalité.

J'inscris Léo Lania et incroyable,  j'apprend qu'il est d'origine allemande ! Je suis née dans ce pays. La légende s'installe.
Et aujourd'hui je remets Lania sur le net et je retrouve le merveilleux village crétois éponyme.
Je cherche sur Wikipédia et là j'apprends qu'il existe un autre village qui s'appelle ainsi cette fois en Poméranie. Et mon grand père était d'origine polonaise. Tout ça sent le chemin, pas le but, le chemin et ce n'est pas pour déplaire à la conteuse.

L'origine a bon ou mauvais ton à l'heure actuelle où Lania découvre que son pseudo de conteuse est carrément une légende.

Ce pseudo je l'utilisais pour signer mes toiles à une époque où je peignais. Un jour je l'ai repris parce que nous étions deux conteuses sur le même territoire à porter le même nom de famille. J'ai décidé, non pas de devenir Lania mais d'utiliser ce nom qui m'a tant plu, que peu à peu, il s'est substitué à mon vrai prénom qui en hébreu veut dire : celui qui a la parole !
Oui je sais, c'est un peu fou mais au pays des prénoms, la boucle est bouclée. A bientôt pour d'autres symboliques familiales.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

"Les accords franco-russes au dessert, c'est un régal que l'on sert."

Coluche.

Monsieur Boubou.