ECRITS
Mercredi 10 Juin 2015
Bonsoir, il est 20 h 23.
Je ne pouvais pas savoir qu'elle s'appelait Jeanne.
au raz du sol, elle fouillait, poussait, sortait, regardait, ouvrait, refermait, remettait, happait l'un d'eux, jetait un regard et hop hop hopono elle s'en emparait. Le, les livres de... contes mais oui.
Alors je lui ai dit "bonjour" et j'ai su, qu'elle allait s'y essayer, elle aussi, à cette chose incroyable qu'est "dire à". Alors je lui ai donné, quelques noms, quelques titres, un lien. "On se reverra" m'a-t-elle dit, "Je m'appelle Jeanne" Je ne pouvais pas savoir mais je l'ai su. Parce que je me suis adressée à elle.
Je ne pouvais pas savoir qu'elle s'appelait Natly.
Ni qu'elle était anglaise. Elle parle le français sans aucun accent. Aïe aïe aïe, pauvre de moi, avec mon accent du sud. Je ne pouvais pas savoir mais j'ai su, grâce à un sourire spontané et réciproque quand nos regards se sont croisés. Grâce à l'escalier que nous n'avions pas fini par prendre. Parce qu'il est bizarre l'escalier des Champs Libres,
(enfin je le trouve bizarre et j'ai toujours une drôle de sensation) il fiche le tournis. Qu'on le monte ou qu'on le descende, il fiche le tournis et surtout quand on le descend. Ce qu'il s'agissait de faire. Mais toutes deux avons rebroussé chemin.
J'ai ce sentiment.
Elle l'a aussi.
Quand l'ascenseur suivant est arrivé, chance il a affichait le logo "descente". Il y avait deux chevaliers. Pourquoi ai-je vérifié d'un "Vous descendiez bien ?" J'aurais dû être sûre puisqu'elle m'avait suivie. Il m'a surprise quand il m'a répondu
"Attendez, faut que je réfléchisse ... heu oui, nous descendions !" Un instant il m'a plongée dans le doute. Puis j'ai ri quand j'ai compris qu'il se moquait gentiment. Puis un peu gêné ( je crois) il a regardé au-dessus de la porte pour rien, comme ça : y avait un tag, un peu maladroit, un peu primaire, il a regretté le tag. Il a dit, comme si ça ne pouvait pas être "il y en a ici aussi" Chacun s'est tu. Sauf moi : j'ai dit l'air professoral : "il y a écrit LECTURE" La tête qu'il a faite en me répondant
Le ton qu'il a mis.
J'en suis restée béâte. J'ai répondu "heu... vous croyez ?" il a ri d'un rire qui a fait que chacun avons ri d'un rire qui a fait que 5 joyeux rieurs ont ri d'un rire qui a fait que chacun des lecteurs traînant dans le grand hall des Champs Libres a ri et que tous ces rires ont secoué de rire la sculpture qui préside depuis quelques mois, rouge bleu orangé, l'angle supérieur extérieur des Champs-Libres, alors les rires se sont éparpillés Esplanade du Général de Gaulle, sont descendus dans le métro, ont envahi la dalle du Colombier, les appartements du Colombia, ont remonté la rue de Nemours,se sont envolés par delà le boulevard du Liberté
et vrai de vrai sont arrivés Place de Bretagne, Place des Lices, Place Hoche, Place du Parlement, Place Rallier du Baty, Place Saint Anne et ils ont envahi la Place de la Mairie. Pas plus que Paroles, Rires sont chiches. Bientôt tout Rennes riait je crois bien même jusqu'à la Place de l'Europe et celle de la Bellangerais.
Et tout ça pourquoi parce que deux lectrices n'avaient pas voulu prendre un étrange escalier qui donne le tournis. Enfin ce me semble.
Et tout ça pourquoi parce que deux lectrices n'avaient pas voulu prendre un étrange escalier qui donne le tournis. Enfin ce me semble.
Et pendant ce temps-là Nathalie, que je ne savais pas encore s'appeler Natly (prononciation à l'anglaise), a remarqué d'un grand sourire, qu'elle a merveilleux
"C'est bon de rire ainsi" J'ai ajouté
"On ne se croirait pas sortir d'une médiathèque !"
"Oui, c'est vrai ! »…
Et nous avons continué la conversation sur le trottoir.
Des connexions surprenantes :
Bézier où elle a vécu douze ans et ville de mon amie Monique, créatrice de bijoux contemporains. Aujourd’hui disparue.
Pas Nathalie comme en France mais Natly, "je suis d’origine anglaise, mais je vis chez vous j’aime trop la France. Et votre accent, de quel sud vient-il ?"
Du Tarn et Garonne, mais j’ai été élevée à l'accent Russe. Connexion. "Une mère Russe ? Ma grand-mère était juive polonaise, elle a vite épousé un anglais et quand ils ont divorcé elle a gardé son nom anglais" Je n'ai connu aucune grand-mère, quant à ma mère elle a épousé un militaire français en Allemagne, où je suis née. Elle a toujours porté le nom français aussi et elle a même abandonné sa langue réellement maternelle : le Biélorusse. Mais je l’ai su très tard, à presque 50 ans"
Elle en convient : " C’était ainsi, on n’en parlait pas, alors"
"Oui, ils n'en parlaient pas !"
Et moi de penser « non-dit, malentendus, incompréhensions... » et je pense à ce psychologue marseillais, pour adolescents, adolescentes, Marcel RUFO, pour ne pas le nommer, qui clamerait bien à voix haute et forte que les jeunes d’aujourd’hui sont bien meilleurs que les jeunes d’hier. Dont ex-moi. Et je trouve que c’est vrai. Ils sont moins inhibés, ils osent davantage, ils ne sont pas dans la hiérarchie, ils sont dans la collaboration… pour un monde meilleur.
Je veux le croire.
Au revoir Jeanne, qui en faites partie, au revoir Natly qui venez à peine de les quitter. Vous êtes nos avenirs mais les vôtres surtout. Prenez votre place. Nous veillons comme le vieux ou la vieille du conte qui sort du buisson opportunément ou pas :
Quand la flamme parle
histoire de choix.
Alors que le temps se faisait soudain gris breton frisquet et qu'à l'instant il bruine comme à Bénodet pour le 14 Juillet -Oui, il bruine le 14 juillet, à Bénodet, pendant que les pétunias, à raz de trottoir, exhalent un parfum poivré- je vous souhaite une belle journée ou une bonne nuit. A vous, Pendules !
Peut-être bien que je ne reverrai jamais ni Jeanne, ni Natly mais je gage que je n'oublierai pas ces deux délicieux petits moments à la Emmanuel Mounier.
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