samedi 14 mars 2015

Tahar, Yeunis et Kadir ou La maison à vendre à un diseur de mensonge (conte marocain)

L'héritage de Mimoun ou La maison à vendre à une condition...

Il était une fois

Mimoun, père de Tahar, Yeunis et Medhi, se meurt 
il appelle ses fils et il leur dit

« Je m’en vais mes fils, je quitte ce monde, non non ne pleurez pas ne gémissez pas, mon temps est mon temps et mon temps est venu de m’arrêter pendant que le vôtre continu. Tout est bien venu convenu.
j’ai mis de côté de l’argent pour vous, chacun trouvera sur la terrasse une jarre et dedans la même somme d’argent 10 000 dinars : faites en ce que vous voulez,. Je désire seulement  que Tahar  mon aîné, referme mes paupières quand mon regard aura tiré sa révérence »

Les fils pleurent

« non non mes fils ne pleurez pas »
Quelques jours plus tard, le regard du père tire sa révérence.  Les fils se tiennent debout les mains en avant et ils prononcent les mots « Allahu Akbar » qui veulent dire Allah est grand.
Tahar referme les paupières du père, puis il rejoint Yeunis et Medhi qui continuent les prières ; ils les terminent  le dos droit et les jambes de même, en prononçant trois fois les mots 
"Subhanna - Rabbeyal - Azzem - wal - Bi – haamdee" ce qui signifie Mon Seigneur le plus grand est glorifié.
Enfin, ils préviennent les voisins, les amis. Et le lendemain, au terme de la cérémonie, le linceul blanc de Mimoun repose sur le grain de la terre ; tout a été pratiqué comme il doit être pratiqué.

Chaque fils prend sa jarre. 
Mimoun père n’a pas menti : chacun trouve dedans 10 000 dinars.

Tahar, l’aîné, s’en va le premier. Où il ne sait. Mais il a un projet. Avec cet argent il va acheter une maison. Le chemin le mène devant une demeure, sur la porte il y a une pancarte, sur la pancarte est écrit « maison à vendre  10 000 dinars ! »
« c'est une chance inouïe » se dit-il en reculant pour mieux la voir  : c'est une belle maison ; de l’extérieur on en voit émerger le hauts de quelques palmiers. Aussitôt il imagine à l’intérieur la belle terrasse et la fontaine et le bassin aux mosaïques blanches et bleues et  les bosquets de feuilles de bardane. Il hume déjà les parfums des rosiers délicats. 

Il toque

L’homme qui lui ouvre la porte est Mohamed, le propriétaire. Il porte sourire aux lèvres et joyeux turban jaune 
« Oui, ma maison est en vente, entre mon ami, je prenais justement un verre de menthe sur la terrasse, accompagne-moi, tu connaîtras la maison »
Sur un plateau de cuivre immense, décoré d’entrelacs précieux, Tahar aperçoit  en abondance, des cornes de gazelle, des menues bouchées du juge, des fanfreluches alanguies de la mère Silah, bien d’autres pâtisseries encore et des entonnoirs des filles. C'est l’un de ces derniers qu’il porte à sa bouche ; rien que plaisir,  sans oublier celui offert par la dégustation du thé à la menthe du jardin


Il entend le propriétaire lui dire, en lui montrant son bien d’un geste large et heureux  :
"Oui, je la vends, elle est à toi cette maison, 10 000 dinars à une condition

Laquelle ?
"Que tu puisses me raconter un conte doué de mensonge"

Le père a raconté à ses fils, celui-ci est sûr de sa mémoire, il connaît la formule magique, les mots merveilleux et il se lance

Il était une fois un sultan

Mais il ne va pas plus loin, car aussitôt le propriétaire lève la main 
"Arrête-toi mon frère, 
des sultans, il en existe tout plein, 
ton histoire n’est pas un mensonge…. 
passe ton chemin »

Tahar s'éloigne, 

II - Pendant que Yeunis, le second frère, quitte à son tour la maison du vieux Mimoun. 
Où va-t-il ? Il ne sait pas. 
La seule chose qu’il sache c’est qu’avec cet argent il s’achètera une maison. 
Le chemin le mène devant la maison, devant la porte, devant la pancarte. Il pense « C’est une chance inouïe, cette maison est à vendre, 10 000 dinars
Il se recule pour mieux la voir. Elle est belle, de l’extérieur on voit surgir des palmiers. Tout de suite il imagine à l’intérieur la belle terrasse et la fontaine et le bassin aux mosaïques blanches et bleues et  les bosquets de feuilles de bardane et le sublime parfum des délicats rosiers.

Il toque

L’homme qui lui ouvre la porte est Mohamed, le propriétaire lui-même. Il porte sourire aux lèvres et joyeux turban jaune « Entre mon ami, je prenais justement un verre de menthe, tu connaîtras la maison »
Sur la terrasse, au pied des palmiers, au bord du bassin, non loin de la fontaine, Yeunis sur une table au large plateau de cuivre sculpté d’entrelacs merveilleux, aperçoit en abondance, des cornes de gazelle et autres pâtisseries, petits beignets au beurre, menues bouchées du juge, moulins à vent, fanfreluches alanguies de la mère Silah mais c’est un entonnoir des jeunes filles qu’il choisit de déguster : un instant plaisir souligné d’un thé à la menthe du jardin. 


Et pendant qu’il sirote le chaud breuvage, Mohamed, le propriétaire des lieux, ouvre grands les bras et lui dit dans un large geste généreux et heureux à la fois : 
"Oui, je la vends, elle est à toi cette maison 10 000 dinars à une condition"

Laquelle ?
"Que tu puisses me raconter un conte doué de mensonge"

Yeunis, le second fils de Mimoun, a écouté son père. Il connaît la formule magique et les mots merveilleux, il se lance :

Il était une fois une princesse délicieusement voilée..

"Arrête arrête" dit Mohamed le propriétaire en levant la main, 
 des princesses il en existe beaucoup, ton histoire n'est pas douée de mensonge"

Dépité Yeunis quitte la demeure 

III - Alors que pendant ce temps, Kadir, le troisième fils de Mimoun, s'éloigne de la maison de son père. 
Où va-t-il ? Il ne sait pas.
La seule chose qu’il sache c’est qu’avec cet argent il s’achètera une maison. 
Le chemin le mène devant la maison, devant la porte, devant la pancarte. Il pense « c’est une chance inouïe, cette maison est à vendre, 10 000 dinars"
Il se recule pour mieux la voir. Elle est belle.  De l’extérieur on voit surgir des palmiers. Tout de suite, il imagine à l’intérieur la belle terrasse et la fontaine et le bassin aux mosaïques blanches et bleues et  les bosquets de feuilles de bardane 


et les plants de menthe et le sublime parfum des délicats rosiers.

Il toque
"Salam haleïkoum Kadir, je suis Mohamed, le propriétaire des lieux ; ma maison est en vente, oui, je la vends
elle est à toi cette maison 
10 000 dinars à une condition"

Laquelle ?
"Que tu puisses me raconter
un conte doué de mensonge"

Kadir, le plus jeune des trois frères a écouté le vieux père ; il connaît la formule magique et les mots merveilleux, il se lance :

"Il était une fois je suis né, c’est le jour où ma mère a pondu un oeuf
L’oeuf est tombé. Il s’est brisé.
Un poussin est sorti. Il a plongé au fond de la mer
J’ai couru après lui, j’ai plongé aussi, 
J’ai trouvé sept chambres imbriquées toutes l’une dans l’autre
Mohamed rit : Kadir dit 
"c’est pas fini. 
j’ai trouvé sept escaliers
et sur les sept escaliers
j’ai trouvé sept caisses
puis sept échelles
Mohamed rit.  Kadir dit  
"Je les ai toutes montées, surtout la septième et là j’ai touché ma tête
ce n’était plus ma tête
c’était une pastèque !
Alors j’ai touché mon pantalon
Je n’avais plus de corps 
Mon corps était un couteau
Alors là, j’ai dit à ma tête 
"Fais gaffe, ô pastèque, je vais te trancher !"

A cet instant précis Mohamed qui n’arrêtait pas de rires est tombé de son sofa, heureusement il y avait un coussin de cuir rose pour amortir sa chute. En se redressant il a dit, en levant la main : 


"Arrête, arrête, Kadir, elle est à toi cette maison qui seul a su m’dire un conte doué de mensonges !" 

Histoire découverte in « Contes & Légendes Populaires du Maroc »  recueilli-e-s à Marrakech et traduis(tes) par la Doctoresse Légey - Editions du Sirocco.
Celui-ci est intitulé : « La Maison à vendre au diseur de mensonges »






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