Ce matin-là Madame Montaigne s'attendait à tout, mais pas à cette histoire ni même à cette folle journée.
Quand la cloche a sonné elle est allée chercher les enfants sous le préau car il pleuvait. Cela faisait au moins deux mois qu'il pleuvait.
"Allez allez, les enfants, c'est le dernier jour d'école, on va passer de bons moments ensembles"
Rieurs, ils l'ont tous suivie dans le couloir. Ils sont tous entrés dans la classe et ils se sont tous assis dans le brouhaha des chaises tirées, des cartables posés et rabattus, des coulissades de trousses ouvertes, des crayons qui s'effondrent comme des bâtons de Mikado sur les petits bureaux. Mais ils font soudain silence quand la maîtresse dit
"Zut ! le tableau ne veut pas s'ouvrir !"
Ils l'ont regardée tirer une fois deux fois trois sur le tableau. Ils l'entendent dire, tournée vers eux, la craie posée à la hauteur du menton
"Comme peut-on faire ?"
Les enfants restaient silencieux quand l'un d'eux, le tout premier du premier rang a dit
"Je sais, moi, Maîtresse, je vais tirer avec vous !"
Le premier enfant du premier rang s'est levé, s'est accroché à la maîtresse, qui s'est accrochée des deux mains au tableau et tous deux, ils ont tiré
une fois
deux fois
trois fois
Mais tire que je tire le tableau ne veut pas s'ouvrir. Alors la maîtresse, la craie à la hauteur du menton a dit :
"Comment peut-on faire ?"
C'est alors que tous les enfants du tout premier rang ont répondu d'une seule voix
"On va vous aider Maîtresse ! On va tirer avec vous !"
Tous les enfants du tout premier rang se sont tous levés et se sont tous accrochés au tout premier enfant du tout premier rang qui s'est accroché à Madame Martin qui s'est accrochée au tableau. Et ils ont tous tiré
une fois
deux fois
trois fois
Mais, tire que je tire le tableau ne veut pas s'ouvrir !
Tout le monde s'est retourné, dépité, épaules baissées et Maîtresse, la craie toujours à la hauteur du menton, a dit
"Comment allons-nous faire ?"
C'est alors que tous les enfants du deuxième rang se sont levés et ont crié :
"On va vous aider Maîtresse ! On va tirer avec vous !"
Et ils se sont tous précipités et tous ils se sont accrochés aux enfants du premier rang qui s'étaient accrochés au tout premier enfant du tout premier rang qui s'était accroché à la maîtresse qui s'est accrochée au tableau. Et à la une, à la deux à la trois, ils ont tous tiré
une fois
deux fois
trois fois
mais tire que je tire le tableau ne veut pas s'ouvrir !
Tout le monde s'est retourné, dépité, épaules baissées et Maîtresse, la craie étonnée toujours à la hauteur du menton, a dit
Comment allons-nous faire ?
C'est alors que tous les enfants du troisième rang se sont levés et ont crié : Facile Maîtresse
On va vous aider ! On va tirer avec vous !"
Et ils se sont tous précipités et ils se sont tous accrochés aux enfants du deuxième rang qui s'accrochaient aux enfants du premier rang qui s'accrochaient au tout premier enfant du tout premier rang qui s'accrochait à la maîtresse qui s'accrochait au tableau. Et à la une à la deux à la trois
une fois
deux fois
trois fois
ils ont tous tiré
mais tire que je tire le tableau ne veut toujours pas venir !
La maîtresse et les enfants se sont retournés dépités, tous leurs bras décrochés et ballants vers les enfants du quatrième rang. Bouche bée ils se taisaient. La maîtresse a dit "Comment allons-nous faire ?"
C'est alors que tous les enfants du quatrième rang se sont levés et ont tous crié :
"On va vous aider ! On va tirer avec vous et le tableau s'ouvrira !"
Ils se sont tous levés, ils ont tous couru et ils se sont tous accrochés aux enfants du troisième rang, qui s'accrochaient aux enfants du deuxième rang qui s'accrochaient aux enfants du premier rang qui s'accrochaient au tout premier enfant du tout premier rang qui s'accrochait à la maîtresse qui s'accrochait au tableau.
La maîtresse a dit
"attention, on respire"
les enfants ont tous respiré
la maîtresse a dit
"attention on tire"
et à la une à la deux à la trois
ils ont tous tiré
ils ont tiré une fois
ils ont tiré deux fois
ils ont tiré trois fois
mais encore une fois, tire que je tire, le tableau ne veut pas s'ouvrir.
Dans la classe, c'est le silence.
Soudain l'un des enfants, lequel, a crié "Madame Montaigne, voici le Directeur qui passe dans le couloir !"Tous les regards se sont tournés vers les fenêtres du couloir, celles qui sont au-dessus des porte-manteaux.
Le chapeau rouge de Monsieur le directeur, tranquille, se déplaçait ! La maîtresse s'est précipitée dans le couloir :
"Monsieur le Directeur, s'il vous plaît, aidez-nous, le tableau ne veut pas s'ouvrir !"
"Mais comment donc Madame Montaigne, un tableau qui ne veut pas s'ouvrir on n'a jamais vu ça !
Regardez comme c'est facile."
C'est alors que Monsieur le Directeur, sûr de lui, s'est approché du tableau.
Il s'accroche au tableau et à la une à la deux à la trois, il tire
une fois
deux fois
trois fois dessus. Mais rien n'y fait, le voilà tout berné, le tableau ne veutpas s'ouvrir.
Alors tous les enfants ont crié "accrochez-vous à nous et tous ensemble tirons !3
"Bonne idée les enfants, a dit Monsieur le Directeur au chapeau rouge, et ils se sont tous accrochés.
Le directeur aux enfants du quatrième rang,
les enfants du quatrième rang aux enfants du troisième rang
les enfants du troisième rang aux enfants du deuxième rang
les enfants du deuxième rang aux enfants du premier rang
les enfants du premier rang au tout premier enfant du premier rang
le tout premier enfant du premier rang à la maîtresse
la maîtresse au tableau
et ils ont tous tiré !
Mais tire que je tire
une fois
deux fois
le tableau n'a pas voulu venir
Chacun en nage, chacun dépité, Maîtresse et Directeur compris, soudain c'est le silence. Une fenêtre en profite : elle s'ouvre et un ballon rose entre. Il se promène doucement, monte et descend souplement. Les têtes se lèvent, tournent, les yeux suivent et les bouches s'ouvrent quand le ballon rose touche le chapeau du directeur.
Au secours crie le directeur, je décolle
Et c'était vrai !
Ses souliers noirs vernis s'éloignaient déjà du plancher.
Alors le premier enfant du cinquième rang s'est accroché à eux pour essayer de retenir Monsieur le Directeur
mais rien de rien
les pieds du petit enfant s'élevaient à leur tour au-dessus du plancher
au secours crie l'enfant, je m'envole
Alors tous les enfants du cinquième rang se sont accrochés aux jambes du dernier enfant devenu premier
mais rien de rien, ils se sont mis à crier
au secours nous nous envolons
et c'était vrai, leurs pieds se promenaient déjà au-dessus du plancher
Alors les enfants du quatrième rang se sont accrochés aux enfants du cinquième rang pour les tirer vers eux
mais rien de rien, les enfants se sont mis à crier
au secours nous décollons !et c'était vrai déjà leurs pieds ne traînaient plus sur le plancher
Alors les enfants du troisième rang se sont accrochés aux enfants du quatrième rang pour les tirer vers eux
mais rien de rien, leurs pieds s'élevaient déjà au-dessus du plancher
ils ont crié "au secours on s'envole !"et c'était vrai : leurs pieds ne touchaient plus le plancher
Alors "Restez avec nous" crient les enfants du second rang en s'accrochant aux enfants du troisième rang mais à leur tour ils crient soudain
au secours nous décollons
Alors les enfants du premier rang y compris le premier enfant du premier rang ainsi devenu dernier des enfants, s'accrochent aux enfants du deuxième rang et tous crient
"Restez avec nous" et tout aussitôt "au secours nous décollons"
et c'était vrai
On ne voyait déjà plus le ballon rose. Il était passé par la fenêtre. On ne voyait déjà plus Monsieur le Directeur. Il était passé par la fenêtre.
Madame Montaigne bouche bée muette n'avait jamais vu ça ! Les cris des enfants qui disaient
"Au secours, nous décollons, Madame Montaigne, aidez-nous !"
la tirèrent de sa stupeur. Elle tendit les bras et s'accrocha de justesse au tout dernier enfant, celui qui était premier auparavant. Et à son tour elle cria
Restez avec moi, et elle tira mais rien n'y fit elle cria "au secours je décolle moi aussi!"
C'est à cet instant que le tableau s'ouvrit. Madame Montaigne eut la surprise de sa vie. Tête tournée vers lui elle n'eut que le temps de lire la phrase qui suit :
Bonnes Vacances.
Et elle disparut par la fenêtre accrochée à la ribambelle d'enfants.
Le tableau, enfin décroché, se dandinait en criant "Attendez-moi attendez-moi !"
Moi, je décide d'arrêter l'histoire à cet instant précis.
Bonnes vacances 2007 à vous tous petits et grands. A la rentrée prochaine.
Lania
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