Savane était calme. Elle retenait son souffle. C'était au point où l'on pouvait percevoir l'infime battement que font les ailes des mouches.
Les animaux de Brousse la traversaient. Sur son ordre, les animaux se rendaient à la cour du Roi. Et dans la cour elle-même, hippopotames, caïmans, gazelles, éléphants, genoux, tigres, hiboux, heu pardon, gnous, hiboux, tigres, poux, girafes ou souris et d'autres encore s'entassaient, s'entassaient s'entassaient.
Les oiseaux aussi s'entassaient : de l'Autruche au Sénégal Enflammé, en passant par le Brubru, le Bateleur des Savanes, le Bulbul, le Jaboteur, le Chevalier Aboyeur, le Craterope ou la Crécerelle, le Loriot Masqué ou la Marouette Rayée, les oiseaux s'entassaient, s'entassaient et jusqu'aux plus têtus, ils avaient tous cessé de chanter.
Pourquoi donc ?
Le fils du roi Souimanga Lesné 1er de la Dynastie DeLiOn était malade. Le fils, l'unique fils du roi Souimanga, Puffin LeMaJeur était couché, à même la poussière qui recouvrait le sol de la cour, les yeux clos, et les pattes raides comme bois. Entre LeMaJeur ou Puffin il ne savait plus lequel était son prénom, lequel était son nom. ... Il souffrait... Il souffrait d'une forte fièvre, d'un mal mystérieux qui prenait toutes ses forces. '
Les plus grands guérisseurs, docteurs, marabouts, sorciers s'étaient succédés à son chevet. Ils lui avaient donné crèmes, onguents, décoctions, sirops, potages, tisanes, pastilles et pourtant, la fièvre n'avait pas baissé. Tout le monde pouvait lire sur le visage du vieux roi Souimanga Lesné 1er de la Dynastie DeLiOn le découragement : son teint blanchissait au fur et à mesure.
Hippopotames, Kaïmans, Gazelles, Eléphants, Genoux, Tigres, Hiboux, heu pardon, je me relis, Gnous, Hiboux, Rhinocéros,Ppoux, Girafes, Souris ; Autruche, Sénégal Enflammé, Brubru, Bateleur des Savanes, Bulbul, Jaboteur, Chevalier Aboyeur, Craterope ou Crécerelle, Loriot Masqué ou Marouette Rayée, craignaient le pire, ils avaient peur, et comme le roi ils étaient envahis par le découragement. Si le fils du roi mourait, qu'allait-il se passer ?
Ils en étaient tous là quand on vit les animaux s'écarter pour laisser place à ChaKal LeVieux. Il portait des vêtements de cotonnade salis et alourdis par la poussière ; un vieux chapeau rouge si rongé par les termites qu'il aurait pu paraître noir. Quant à ses chaussures, elles étaient si rapiécées, rapiécées, que rien qu'à l'écrire Chakal était nu-pied.
Peu importait ses chaussures; Il avançait en criant
"Dégagez !... Dé ga gez.... Faites place... Faites plaaaa...ce !"
Les animaux se sont écartés. !" Il est arrivé devant Souimanga Lesné roi de Brousse, il s'est courbé en signe de respecte et quand il s'est redressé il a dit :
"Majesté, j'ai entendu parler de la maladie de Puffin LeMaJeur, le jeune prince. J'ai appris qu'aucune sommité ne parvenait à le guérir. J'étais loin. J'ai fait un long voyage pour venir, sur le champ, à son chevet. Roi Souimanga cessez vos larmes. J'ai trouvé le remède pour soigner votre enfant, votre fils, votre cher prince !"
Et aussitôt Chakal LeVieux s'est mis à hurler
"Qu'on apporte du sang chaud de Hérisson.
Si notre jeune malade réussit à en boire,
il retrouvera toutes ses forces. Et il guérira"
Aussitôt dit aussitôt fait. Le Lion Souimanga Lesné 1er de la Dynastie DeLiOn fait envoyer aux quatre coins du monde des émissaires chargés de ramener Hérisson de gré ou de Force.
En Brousse, les rumeurs avancent d'un pas tellurique. Hérisson fut vite mis au courant de ce qui l'attendait chez le roi. Qui consulter mieux que son Grand-Père ? Hérisson va consulter son Grand-Père.
Bla bla bla bla bla bla , ah bon Grand-Père, je dois faire ça ?... Hérisson prit son courage à deux mains et se rendit chez le roi. Il se courba, se redressa et déclara :
"Majesté, je suis prêt à donner mon sang -comme l'a dit Chakal- pour guérir le jeune prince Puffin LeMaJeur, votre cher fils, notre jeune et unique prince. Mais Chakal a oublié de vous donner un élément très important de l'ordonnance. Nous étions ensembles, lui et moi, le jour où un gentil génie nous a prédit le mal qui allait frapper votre fils. Nous étions ensembles quand le gentil génie a déclaré que nous aurions l'honneur de participer tous deux à sa guérison. Mais pour cela il faut que mon sang chaud soit mélangé à la cervelle fumante de Chakal !"
Ce discours fut si rapidement, si nettement et si précisément dit, que ChaKal n'eut ni le temps de répondre, ni le temps de fuir.
C'est ainsi que la fumante cervelle de Chakal fut mélangée au sang chaud de Hérisson, saigné à la patte gauche ; et que le mélange fut administré au malade.
Hasard ou coïncidence, personne ne le sait, mais ce qui est, est que le jeune malade, Puffin LeMaJeur, fut véritablement guéri.
Ainsi vient la fin
de ce conte-ci.